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Cesser de s’appauvrir avec une fiscalité entravant la création de richesses

Texte d’opinion par Nicolas Marques, directeur général de l’Institut économique Molinari, publié en exclusivité sur le site de l’IEM.

Réindustrialiser, relocaliser, réduire notre dépendance aux marchés mondiaux, les propositions se multiplient depuis des mois. L’actuel gouvernement a déjà organisé une baisse de la fiscalité de production et plusieurs candidats, de Valérie Pécresse à Éric Zemmour, considèrent qu’il faut aller encore plus loin. Dans un pays ayant un grand passé industriel qui souffre d’une érosion de son outil de production associée à un chômage massif, cela fait sens. Ces propositions sont d’autant plus écoutées que la pandémie de Covid-19 a montré le risque associé à la longueur des chaines d’approvisionnement. Rentable en temps calme, elle peut s’avérer problématique en période de crise, comme en témoignent les dérèglements persistants générés par la pénurie mondiale de semi-conducteurs.

Certains pensent que le protectionnisme industriel pourrait être la solution. Indépendamment de nos engagements dans le cadre des traités internationaux (OMC…), c’est une illusion. Historiquement, les grandes périodes d’essor de l’économie française sont liées à des phases d’ouverture, sous l’Empire libéral de Napoléon III ou sous de Gaulle. Ce résultat s’explique simplement : les droits de douane renchérissent le coût des éléments nécessaires à la production, ce qui pénalise la compétitivité. C’est pour cela que le tandem de Gaulle Rueff a fait le choix d’ouvrir le pays à la concurrence, en renouant avec le libre-échange du Second Empire. Le protectionnisme mis en place en 1892 avec les tarifs Méline s’était révélé anesthésiant, pour reprendre les mots d’Alfred Sauvy. Son démantèlement fut un choix collectif gagnant.

Pour autant, l’anesthésie est de retour. Elle est liée à la fiscalité de production qui étouffe peu à peu l’activité. Parmi les grands pays industriels, la France est le dernier à recourir massivement à cette fiscalité d’un autre temps. La recommandation des économistes est de privilégier la fiscalité sur les gains ou la valeur ajoutée, comme la TVA. Cette dernière a été spécifiquement pensée par Maurice Lauré dans les années 1950 pour remplacer les impôts de production. Portant principalement sur l’outil productif (foncier, bâti, masse salariale…), ces impôts délétères sont déconnectés des résultats des entreprises. Ils pénalisent particulièrement les activités à marges faibles et encouragent les délocalisations et les importations. Ce n’est pas un hasard si Bridgestone préfère ses sites en Europe de l’Est plutôt qu’en France. Son site de Béthune supportait une fiscalité disproportionnée (1,4% du chiffre d’affaires ou 6 000 euros par salarié) annulant sa rentabilité économique (7 millions d’impôts de production pour 5 millions de pertes). Même les secteurs de pointe sont touchés. Lorsqu’Ariane Group produit en France, les impôts de production sont tout aussi disproportionnés (2,8% du chiffre d’affaires ou 7400 euros par salarié) et représentent 185% des bénéfices. Pas étonnant que le groupe préfère produire en Allemagne, pays où la fiscalité de production a disparu.

Pour revenir dans la moyenne européenne, il faudrait réduire les impôts de production de 35 milliards d’euros, en plus de la timide réduction de 10 milliards opérée en 2020. La bonne nouvelle, c’est que la fiscalité de production, impôt gaspilleur, coûte autant qu’elle rapporte. Elle intervient en « amont » et réduit mécaniquement le rendement des fiscalités en « aval ». Notre étude de novembre montre que réduire de 35 milliards d’euros les impôts de production serait profitable avec 25 milliards de salaires nets supplémentaires et 750 000 créations d’emplois, des gains de cotisations sociales (+17 milliards), d’impôts sur les sociétés, sur le revenu et la TVA (+10 milliards) ainsi qu’une baisse des dépenses liées au chômage (-11 milliards)[1].

Réduire massivement les impôts de production est avant tout un défi politique. Les collectivités locales françaises perçoivent l’essentiel de cette fiscalité. Peu associées au partage des fiscalités traditionnelles, elles ne sont pas, en l’état, en position de récupérer les gains découlant de la réduction des impôts de production. Aussi, l’enjeu est d’organiser une vraie décentralisation financière, avec un partage des fiscalités traditionnelles, à l’image de ce qui se fait chez nombre de nos voisins.

Note

1. Bentata P. et Marques N., Les impôts de production contre les salaires, l’emploi et la croissance, Institut économique Molinari, novembre 2021.

Nicolas Marques

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