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Réforme des retraites : l’impasse du 2ème pilier de capitalisation collective

Non seulement la réforme des retraites occulte la question centrale de l’épargne retraite obligatoire. Mais en plus, elle va dans le mauvais sens, en démantelant les institutions la pratiquant déjà. Texte d’opinion de Cécile Philippe et Nicolas Marques, respectivement présidente et directeur général de l’Institut économique Molinari, publié dans L’Opinion.

Les retraités français sont extrêmement dépendants de la répartition, ce qui explique l’ampleur des craintes générées par la réforme en cours. En 2017, 317 milliards d’euros des retraites provenaient des régimes par répartition, soit 98 %.

La capitalisation, facultative au titre du 3e étage de retraite, n’apporte que 2 % des retraites servies, soit 7 milliards d’euros. Certes, en parallèle à la réforme Delevoye, la loi Pacte devrait accélérer le développement de ces produits. Mais cette démarche sera très longue. L’expérience de la loi Fillon de 2003 montre que les démarches facultatives attirent en priorité, sur la base du volontariat, les individus les plus prévoyants et les entreprises les plus généreuses. Reposant sur des actes de vente et des mises en place unitaires ou semi-collectives, elles sont longues à monter en puissance et coûteuses à commercialiser. Elles conduisent les opérateurs à prélever des marges parfois significatives, nécessaires pour rémunérer des actes de ventes impliquant du conseil difficile à amortir lorsque les capitaux confiés sont faibles.

Cela réduit l’attrait des dispositifs et pénalise leurs performances. Ajoutons qu’il est arrivé que les pouvoirs publics, à la recherche de recettes de poche, mettent en place des fiscalités pénalisantes à l’instar du forfait social sur l’épargne salariale. Ces démarches sont d’autant plus faciles à légitimer que la couverture de ces produits est réduite et qu’il est possible de les assimiler à des produits réservés à une minorité de «nantis».

Le choix de la surreprésentation de la répartition est une particularité française. Si la réforme proposée apporte une innovation, avec la génération des régimes à points, elle n’apporte aucune innovation systémique s’agissant du financement. Ce faisant, elle nous condamne à rester prisonnier d’un jeu à somme nulle désormais classique, avec comme variables d’ajustement la durée d’activité, les taux de cotisation, le niveau des pensions et leur revalorisation.

Retard français. Le sous-dimensionnement français en matière d’épargne retraite tient à des raisons historiques. Dès 1853, l’Etat a mis fin aux tentatives prévoyantes de ses personnels, ce qui explique en partie les difficultés à équilibrer les finances publiques depuis le contre-choc du baby-boom. Dans les années 1930, l’Etat cherche à récupérer les capitaux accumulés par les caisses de retraite, ce qui sera concrètement fait avec la saisie d’une partie de capitaux et une inflation galopante réduisant à portions congrues la valeur et le rendement des placements obligataires des caisses de retraite. La réforme telle que présentée par Delevoye laisse en l’état un goût d’inachevé.

Non seulement elle occulte la question centrale de l’épargne retraite obligatoire. Mais en plus, elle va dans le mauvais sens, en démantelant les institutions la pratiquant déjà. Le Fonds de réserve des retraites, création de Lionel Jospin, et l’Etablissement de retraite additionnelle de la fonction publique, création de la Loi Fillon, seraient passés par perte et profits, alors que de telles structures existent ailleurs et sont fort utiles.

Nicolas Marques

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