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Le jour où les États de l’Union européenne ont dépensé toutes leurs recettes annuelles – 5ème édition

L’Institut économique Molinari vient de calculer le jour où les États de l’Union européenne (UE) ont dépensé toutes leurs recettes annuelles.

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SYNTHÈSE DE L’ÉTUDE

Les administrations centrales, principale source des déficits publics dans l’UE

Les Etats de l’UE épuisent en moyenne leur ressources le 16 décembre, 16 jours avant la fin de l’année. C’est 4 jours plus tard que l’année d’avant, ce qui représente une amélioration notable.

Parmi les 28 administrations centrales de l’UE, 11 étaient en situation excédentaire l’an passé. Leurs recettes 2018 leur ont permis de financer toutes les dépenses de l’année et de se désendetter. Les champions étaient la Bulgarie (excédent équivalent à 23 jours de dépenses), Malte (excédent de 18 jours), l’Allemagne (excédent de 17 jours) et la Suède (excédent de 17 jours).

Les 17 autres administrations centrales dépensaient la totalité de leurs recettes avant la fin de l’année. Pour 14 d’entre elles, les ressources étaient consommées en décembre. Pour 4 d’entre elles, elles étaient consommées bien avant : France et Roumanie (12 novembre) et Chypre (26 octobre).

Les Etats restent le point noir des finances publiques européennes. Au niveau de l’UE, les administrations centrales expliquent l’essentiel des dérapages des comptes publics (16 jours non financés). Les administrations d’Etats fédérés sont équilibrées depuis 2017 (4 jours d’excédent l’an passé). Les administrations locales sont équilibrées depuis 2014 (2 jours d’excédent l’an passé). C’est aussi le cas des administrations de sécurité sociale depuis 2016 (6 jours d’excédent l’an passé). Conséquence, toutes administrations confondues, les différents pays de l’UE avaient consommé la totalité de leurs recettes publiques 6 jours avant la fin de l’année. C’est 2 jours de mieux que l’année d’avant.

La situation de l’administration centrale française reste excessivement dégradée en dépit de la
conjoncture

L’administration centrale française avait dépensé l’intégralité de ses ressources le 12 novembre 2018, 49 jours avant la fin de l’année. Elle figure parmi les Etats ayant les plus grands déséquilibres au sein l’UE. Elle épuise ses ressources le même jour que la Roumanie. Seul Chypre fait pire en épuisant ses ressources le 26 octobre.

Les projections réalisées par l’IEM à partir du dossier de présentation du Projet de loi de finances pour 2020 montrent que la situation n’est pas près de se normaliser. Le nombre de jours de dépenses non financées par l’administration centrale française devrait à nouveau augmenter. Il pourrait représenter 62 jours en 2019 et 59 jours en 2020.

Ces contre-performances s’expliquent par l’incapacité française à rééquilibrer durablement les comptes suite à la dernière crise.

Alors que les administrations centrales de l’UE ont profité des 9 dernières années pour résorber leurs déficits, ce n’est pas ce qu’on constate en France. Le mouvement de rééquilibrage des comptes post-crise (2009-2013) s’est essoufflé plus vite qu’ailleurs, il y a 6 ans. Dans les 5 dernières années, l’administration centrale française n’a résorbé son déficit que de 2 jours. Dans le même temps, l’UE prise dans son ensemble résorbait son déficit de 25 jours.

Depuis le creux de la crise, les dépenses publiques ont baissé 4 fois moins vite en France que dans l’UE. Elles n’ont quasiment pas reflué entre 2009 et 2018 (-1,2 %), alors qu’elles baissaient de façon significative dans l’UE (-4,4 %). La France a écourté prématurément la traditionnelle phase post-crise de réduction du poids des dépenses publiques. Conséquence, l’ajustement s’est fait par les recettes. Elles ont augmenté 2 fois plus vite en France que dans l’UE (+3,5 % vs +1,5 %).

En France, l’ajustement post-crise repose au ¾ sur les hausses pérennes de fiscalité, la baisse des dépenses ne comptant que pour ¼. L’UE a fait le choix diamétralement inverse, avec un ajustement reposant aux ¾ sur la baisse des dépenses et pour ¼ sur la hausse de fiscalité.

Le choix français est loin d’être gagnant. A ce stade, la France a moins bien récupéré ses marges de manœuvre financières que le reste de l’UE. La crise laisse un impact trois fois plus important sur les finances publiques. Les recettes et les dépenses publiques ont augmenté de plus de 3 points de PIB, contre 1 point en moyenne dans l’UE entre 2007 et 2018. Le déficit public reste trois fois plus élevé en France (2,5 % du PIB) que dans l’UE (0,7 % du PIB).

Cette évolution décalée du reste de l’UE et la persistance des déficits montre l’ampleur des difficultés à surmonter. Les derniers équilibres de l’Etat et des organismes d’administration centrale (ODAC) remontent en France à 1980. Depuis, tous les exercices ont été déséquilibrés et « le jour où toutes les ressources sont consommées » a avancé de 1,2 jour par an en moyenne. Depuis 1980, la France n’a jamais réussi à mettre à profit une phase d’embellie économique pour rééquilibrer ses comptes publics. Pire, chaque phase d’« embellie » est plus précaire que la précédente. Entre 1999 et 2001, les déficits français avoisinaient 30 jours par an en moyenne. Entre 2004 et 2007, ils étaient de l’ordre de 40 jours. Entre 2013 et 2018, ils représentaient 50 jours par an en moyenne.

OBJECTIF DE L’ÉTUDE

L’objectif de cette étude est de comparer les recettes et les dépenses des administrations centrales des pays membres de l’Union européenne (UE) pour déterminer le jour à partir duquel elles ont épuisé toutes leurs recettes annuelles et commencent à vivre à crédit.

Ce travail est fait au niveau des 28 pays de l’UE, à partir des dernières données annuelles d’Eurostat, mises à jour le 21/10/2019. Il permet de mesurer l’évolution des déséquilibres dans le temps et de comparer la situation des différents pays.

Cette approche vise à éclairer les enjeux pour les citoyens, dans un domaine particulièrement difficile à suivre pour un non spécialiste.

Les déficits sont fréquemment exprimés en pourcentage du PIB, notion complexe à appréhender. Les débats liés aux procédures budgétaires étatiques portent sur des milliards d’euros, tandis que le grand public est habitué à raisonner en centaines ou milliers d’euros. Les chiffrages des économies mis en avant par les pouvoirs publics sont souvent réalisés avec des hypothèses de croissance tendancielle, et non pas avec les dépenses réellement enregistrées. Cela brouille la compréhension des choses. Les « économies » ne se traduisent, en effet, pas mécaniquement par une réduction des dépenses.

Ajoutons que le débat sur ces sujets complexes se résume fréquemment à des prises de position déconnectées des enjeux réels. C’est périodiquement le cas en France, avec la multiplication de discours fustigeant une « austérité budgétaire ». Cette étude montre que ces discours n’ont pas d’assise factuelle, dans un pays où les dépenses publiques augmentent en période de crise et diminuent moins vite qu’ailleurs en période de reprise.

D’où l’intérêt d’une démarche permettant au grand public de visualiser, clairement et simplement, l’ampleur des enjeux et de suivre leur évolution dans le temps.

SPÉCIFICITÉ DE LA DÉMARCHE

Cette étude permet une meilleure compréhension des dérapages des administrations centrales, que l’on qualifie dans le langage courant d’Etats, grâce à une méthode solide et accessible. Les recettes sont divisées par les dépenses et multipliées par 365, pour exprimer les dérapages financiers en jours sur une année. Cette méthode s’apparente aux usages financiers, les analystes ayant par exemple l’habitude de présenter le Besoin de fonds de roulement (BFR) en jours de chiffre d’affaires. Elle présente aussi l’avantage d’être significative pour tout individu s’étant demandé comment « boucler ses fins de mois ».

Ce travail est axé autour des administrations centrales, c’est-à-dire sur les organismes administratifs de l’Etat et les autres organismes centraux dont la compétence s’étend normalement sur la totalité du territoire. Au niveau de l’UE, il s’agit des administrations présentant les comptes les plus déséquilibrés. Néanmoins, les chiffrages portent aussi sur les autres administrations (Etats fédérés, collectivités locales et sécurité sociale). Cela permet d’apporter un éclairage complémentaire, tous les pays n’étant fort heureusement pas déficitaires au niveau de chacune de ces administrations.

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Nicolas Marques

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