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Retraites, pour la sécurité en plus de l’équité

Texte d’opinion publié le 16 octobre 2018 dans La Tribune.

La réforme des retraites se hâte lentement. On comprend la prudence déployée par le gouvernement, s’agissant d’un sujet explosif. Au-delà du calendrier, la prudence devrait aussi amener à intégrer dans la réforme des mécanismes constitutionnels garantissant l’équilibre financier, la sanctuarisation des réserves constituées par les caisses de retraite et leur montée en puissance.

Réforme à risques. Si la concrétisation de l’engagement de campagne d’Emmanuel Macron répond à une attente d’équité, le sujet retraite reste potentiellement inflammable. En effet, la réforme ne devrait pas améliorer significativement la situation des Français moyens. Elle entérinera un jeu à somme nulle, les retraites des uns étant financées par les cotisations prises sur les actifs, conformément à une logique de la répartition. In fine, le changement risque d’être déceptif.

La satisfaction liée à la mise en place d’un mécanisme plus équitable pourrait laisser rapidement place à la déception des actifs et des retraités constatant la stagnation de leur pouvoir d’achat. Un processus qui pourrait laisser une impression d’inachevé, avec une remise à plat des règles de fonctionnement perçue comme une montagne accouchant d’une souris. La réforme des retraites rejoindrait une longue liste de modifications organisationnelles lourdes n’étant pas associées à un gain significatif pour les administrés. Une crainte d’autant plus justifiée que les précédentes réformes des retraites se sont avérées coûteuses. Les coûts de transition ne se limitent pas aux processus de négociation ou de convergence organisationnelle, la construction du consensus réformateur passant fréquemment par l’octroi de contreparties financières fluidifiant les négociations…

Trois risques

Mais les enjeux ne s’arrêtent pas là. Paradoxalement, le régime universel souhaité par le Président de la république pourrait être encore moins vertueux que la situation actuelle, faute d’intégrer correctement trois risques incontournables en matière de retraites.

Le premier risque est lié au poids qu’aura l’Etat dans le nouveau régime. On sait que notre Etat est impécunieux. Il génère des déficits bien plus élevés que les autres entités administratives, collectivités locales ou administrations de protection sociale. En matière de retraite, on observe que plus le poids des pouvoirs publics est important, plus les dérapages financiers ont été significatifs.

Par exemple, l’Etat est moins responsable dans la gestion des retraites de ses personnels que le régime des salariés du privé. S’agissant des fonctionnaires, les premiers dérapages remontent à 1816, avec l’apparition de déficits dans les caisses de retraites de certains ministères. Ils ont servi de prétexte à la mise en place d’un financement des retraites via le budget, un expédient toujours employé aujourd’hui. On se souvient aussi des lois Auroux de 1982 abaissant l’âge de la retraite à 60 ans, un geste politique imprévoyant dans un pays vieillissant et dépendant de la répartition.

Rien ne permet de penser que notre Etat ne cédera pas demain, une fois de plus, aux affres du clientélisme en reportant les coûts sur les générations futures. Ajoutons que l’Etat a été bien moins prévoyant que les caisses de retraites complémentaires de droit privé, n’ayant statutairement pas le droit de recourir à l’endettement.

Règle d’or

D’où l’importance de la mise en place d’une règle d’or constitutionnelle la plus solide possible en matière de retraites. Elle devra proscrire la réapparition de déficits, en mettant en place un mécanisme de gouvernance assorti de sanctions dissuasives en cas de dérapage. On sait, en effet, que le gouvernement français a l’habitude de contourner les garde fous peu contraignants. L’objectif « d’équilibre des comptes des administrations publiques » a par exemple été intégré dans la Constitution en 2008 sans que les déficits publics, récurrents depuis 1974, n’aient été remis en cause.

Le deuxième principe de gouvernance, conciliant sécurité et équité, est de conserver les réserves accumulées par les régimes de retraites actuels. Nombre de caisses de retraite par répartition ont pris le soin de constituer des provisions. Elles permettent de lisser la conjoncture, voire d’alléger le financement des retraites, en ne dépendant pas des seules cotisations prélevées sur les actifs. Conformément à une logique de précaution, cette attitude responsable devrait être pérennisée. Ces réserves, qui représentent entre 120 et 170 milliards d’euros selon le périmètre de calcul, devraient être sanctuarisées constitutionnellement à l’occasion de la prochaine réforme. En utiliser une partie pour financer la transition relèverait, a contrario, de l’irresponsabilité vis-à-vis de nos concitoyens et des générations futures.

Renforcer les réserves

Enfin, il serait judicieux que les pouvoirs publics ne se contentent pas de respecter les provisions existantes, mais s’engagent à les renforcer. Plusieurs grands pays occidentaux ont constitué des réserves très significatives dans le cadre de leurs régimes de retraite par répartition : Suède, Japon, Etats-Unis, Canada… Nous aurions intérêt à ce que la future réforme des retraites s’intègre dans cette démarche responsable et prudentielle, en ne se cantonnant pas à une harmonisation coûteuse de l’existant.

Nicolas Marques est directeur de l’Institut économique Molinari.

Nicolas Marques

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