2021A la UneDans les médiasPublicationsTextes d'opinion

Quand le Plan du Haut-commissariat passe à côté des enjeux productifs

Le diagnostic et les mesures proposés par le rapport publié par le Haut-commissariat au Plan sont décevants, ne mentionnant même pas le problème posé par la fiscalité des entreprises. Texte d’opinion par Nicolas Marques, Directeur général de l’Institut économique Molinari, publié dans La Tribune.

Le Haut-commissariat au Plan vient de publier un rapport sur la reconquête de l’appareil productif et la bataille du commerce extérieur. Un travail qui propose de s’attaquer à la désindustrialisation sans en analyser les moteurs. Extrêmement précis dans la définition des déficits commerciaux – avec un catalogue parfois anecdotique allant jusqu’à la brosse à dents ou la ratatouille -, il n’identifie pas ses causes.

Un « désintérêt progressif » pour la production

On ne trouve rien dans ce document long de 50 pages sur les explications fiscales et réglementaires des déséquilibres, à l’opposé des récents travaux officiels (France Stratégie, Conseil d’analyse économique…) ou indépendants (Institut économique Molinari…). A lire le Haut-commissariat au Plan, la France se désindustrialiserait pour des raisons sociologiques, le « désintérêt progressif » pour la production s’imposant. Une explication qui ne cadre pas avec le départ de productions traditionnelles (Bridgestone…) comme de pointe (Ariane…), à juste titre, mal vécues par les salariés.

Si l’on ne produit pas assez de brosses à dents ou de ratatouille en France et si la France perd des positions dans les secteurs clefs, ce n’est pas parce que nos entreprises ne veulent ou ne savent plus le faire. C’est, en grande partie, parce que notre fiscalité nuit à la création de richesses dans ces secteurs à faibles marges. Les impôts de production déconnectés des résultats des entreprises poussent aux délocalisations et aux importations.

En 1946, Jean Monnet, premier commissaire au Plan, soulignait que la politique fiscale devait « faciliter l’expansion de la production et la modernisation ». Il dénonçait les taxes qui « grèvent d’une façon indiscriminée tous les biens de la production, que ce soit les biens d’équipements, les matières en cours de transformation ou les produits de consommation, et rendront difficile, sinon impossible, notre exportation ». Soixante-cinq ans plus tard, le sujet reste d’actualité, mais le Plan fait comme s’il n’existait pas.closevolume_off

Quant à ses préconisations, elles passent évidemment à côté du problème mal diagnostiqué. Le Haut-commissariat au Plan souligne ainsi l’intérêt de prises de participation nationales dans des entreprises étrangères. Or, cette démarche a peu de chances de voir le jour, l’Etat étant particulièrement désargenté. Avec des dettes explicites (115 % du PIB) et implicites (370 % du PIB promis au titre des retraites) représentant 10 ans de prélèvements obligatoires, il ne dispose pas d’une puissance de frappe lui permettant d’investir, à l’opposé d’Etats ayant mis en place des fonds souverains ou provisionnant les retraites des fonctionnaires. L’histoire en aurait été autrement si l’Etat en France ne rechignait pas en permanence à constituer des réserves au titre des retraites par répartition, comme l’illustrent les déboires du Fonds de réserve des retraites. Ce fonds est sans cesse pillé, en dépit d’excellentes performances ayant généré 12 milliards de valeur pour le contribuable sur les 10 dernières années.

Une copie qui n’est pas à la hauteur

Comme l’exposait Jean de Gaulle dans son rapport de 1993 sur l’avenir du Plan : « Ce sont moins les participations de l’Etat qui vont structurer le secteur productif, que sa capacité à mettre en œuvre, par exemple, une fiscalité adaptée et durable qui ne décourage pas l’investissement, ou une réglementation du travail compatible avec les règles de fonctionnement des entreprises et préservant leur compétitivité… Ce qui apparaît au départ comme une simple concurrence entre marchandises devient une concurrence entre systèmes nationaux ».

La copie du nouveau Plan n’est pas à la hauteur. L’enjeu d’un Etat stratège est d’aider à faire émerger un cadre institutionnel favorable à la création de richesses. Il est de comprendre les tendances de fond pour contribuer à améliorer l’écosystème. C’est seulement à ce prix que le Haut-commissariat au Plan sera à la hauteur de la promesse qu’il entend incarner.

Nicolas Marques

Voir tous les articles de Nicolas Marques

Vous pourrez aussi aimer

Bouton retour en haut de la page