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Budget 2020, les dépenses continuent d’augmenter plus que la croissance

L’examen de la première partie du Projet de loi de Finance français à l’Assemblée nationale s’achève. Il montre une remarquable continuité avec les précédents exercices budgétaires. Questions et réponses extraites d’une interview publiée dans Altlantico le 21 octobre.

Sur la part réservée à la dépense publique, y a-t-il des changements notables ?

Non, nous restons sur une tendance non soutenable à long terme. Les dépenses de l’Etat devraient représenter 446 milliards d’euros l’an prochain en tenant compte des transferts aux collectivités locales (46 milliards) et à l’Union européenne (21 milliards). Hors transferts, les dépenses étatiques progresseraient plus vite (+3,7 %) que la croissance du PIB en valeur (+2,6 %).

Le déficit restera très élevé, avec 93 milliards, ce qui représente 25% des dépenses hors transferts. Un tel niveau de déséquilibre, dix ans après la crise, est confondant. Alors que nombre de nos voisins équilibrent leurs comptes ou font des excédents, nous resterons déficitaires dans des proportions très inquiétantes.

Il n’y aura pas de baisses de dépenses significatives. Les seules économies attendues sont liées à un effet d’aubaine (-3,5 milliards sur la charge de la dette) et à la mission cohésion des territoires (-1,2 milliards). Trois postes augmentent, la défense (+1,6 milliard), la cohésion (+1,6 milliard) et les « investissements d’avenir » (+1,2 milliard). On ne peut pas dire qu’il s’agit d’un budget tourné vers l’avenir, mais plutôt d’un budget plombé par les mauvais choix du passé.

Plus de 20% des dépenses hors transferts sont liées aux retraites de la fonction publique et à la dette générée par l’Etat. Les pensions sont le premier poste de dépense, avec 58 milliards d’euros. La charge de la dette représente 39 milliards d’euros. Elle constitue le 3ème poste de dépenses de l’Etat, derrière l’enseignement scolaire avec 53 milliards.

Depuis quarante ans, nous n’avons pas réussi à équilibrer un budget, ce qui a conduit à l’explosion de la dette. Compte tenu de la politique de taux négatifs menée par la banque centrale, la charge d’intérêts diminue à ce stade mais nous nous préparons des lendemains qui déchantent.

En matière de répartition des dépenses de l’Etat, y a-t-il eu des changements importants depuis une trentaine d’années ?

Oui, on constate l’explosion des dépenses liées au fonctionnement en répartition des retraites de la fonction publique. Les prestations versées sont passées de 19 milliards d’euros en 1990 à 58 milliards d’euros en 2020, soit une augmentation de +228 %. Les dépenses de pensions de l’Etat augmentent de +4 % par an en moyenne, à un rythme deux fois supérieur aux autres dépenses. Conséquence : la part du budget de l’Etat consacrée aux retraites du public est en très nette hausse. Entre 1990 et 2020, la charge financière est passée de 8 % du budget de l’Etat à 13 %, soit une augmentation de +62 %.

C’est la conséquence logique d’un déni financier historique. En 1853, le Trésor public a décidé de supprimer les caisses de retraites par capitalisation des ministères et de faire payer les retraites des fonctionnaires par le budget. Un des ministres des finances de la troisième République disait de façon prémonitoire que « Le gouvernement a agi comme les fils de famille dissipateurs, qui grèvent l’avenir pour se procurer tout de suite une ressource précaire ». Nos aînés savaient qu’il s’agissait d’une faute financière et morale. Cette faute est devenue un boulet avec l’explosion des effectifs de fonctionnaires et le contre choc du papy-boom.

Si l’Etat avait pris soin de provisionner ses engagements retraites, nous ne subirions pas aujourd’hui cette inflation de dépenses. Il aurait mis de l’argent de côté en vue du paiement des pensions de ses personnels, à l’instar des obligations légales existant dans le privé. Aussi un comportement responsable à l’égard des générations futures consisterait à revenir sur la loi de 1853, a minima en provisionnant les dépenses associées aux nouvelles embauches de fonctionnaires.

Comment expliquer la tendance française, alors même que la situation économique et sociale a changé dans les dernières décennies ? 

La montée des dépenses liées au passé et la nécessité de remettre à plat nos finances publiques a jusqu’à présent été masquée par la baisse de la charge d’intérêt associée à notre endettement.

En dépit de l’explosion de l’endettement public, le recul des taux d’intérêt a permis de dégager d’importantes marges de manœuvre budgétaires. L’unification européenne puis les politiques monétaires non conventionnelles initiées avec la précédente crise ont réduit significativement notre charge d’intérêts. Le paiement des intérêts de la dette absorbe 9 % du total des dépenses du budget de l’Etat. À titre d’illustration, si le taux d’intérêt apparent constaté en 1990 s’appliquait aujourd’hui, cette charge d’intérêts serait trois fois plus élevée.

Ces baisses des taux d’intérêts auraient dû être mises à profit pour remettre les comptes français à l’équilibre. Mais elles ont malheureusement servi à faire perdurer les mauvaises habitudes françaises, en continuant à financer nos dépenses courantes avec des déficits.

Le budget 2020 montre que nous continuons à gâcher ces opportunités et à tourner le dos à l’avenir. Cela ne pourra pas durer infiniment. Au prochain retournement conjoncturel nous risquons de nous retrouver dans la situation de nos voisins espagnols, grecs, italiens ou portugais lors de la dernière crise…

Nicolas Marques

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