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Réformer le salaire minimum plutôt que l’augmenter !

Article publié sur LeMonde.fr le 21 avril 2009.

Face à l’indignation suscitée par quelques cas de rémunérations de grands patrons, la question de la revalorisation du SMIC est lancinante dans le débat public. Si Nicolas Sarkozy semble, pour le moment, exclure toute hausse du salaire minimum, le Parti Socialiste plaide, dans son contre-plan de relance, pour un « coup de pouce » de 3 %.

En période de crise, une telle augmentation risquerait d’accroître le chômage, et rendrait plus difficile aux chômeurs le retour sur le marché de l’emploi. Même Terra Nova, un think tank pourtant proche du PS, doute du bien-fondé de la proposition socialiste dans une étude publiée le 9 avril 2009. Plutôt que d’augmenter le SMIC, il conviendrait de le réformer, en redonnant toute sa place au contrat dans la fixation des salaires. Ceci permettrait par ailleurs d’accélérer la reprise économique.

À l’heure où le gouvernement tente d’endiguer la montée du chômage – l’Unedic attend 300 000 demandeurs d’emploi supplémentaires en 2009 – il est opportun de souligner les effets négatifs du SMIC sur l’emploi. D’un point de vue économique, toutes les personnes qui ne sont pas en mesure de produire une valeur au moins égale au salaire minimum complet (salaire minimum brut auquel s’ajoutent les charges patronales), sont, de facto, exclues du marché de l’emploi. Ainsi, le salaire minimum crée une « trappe à chômage » dont les moins productifs (jeunes sans expérience, travailleurs faiblement qualifiés, …) sont les premières victimes. En ce sens, il crée une inégalité fondamentale, entre ceux qui ont un emploi et ceux qui n’en ont pas.

Ceci est d’autant plus problématique en période de récession, car les personnes les plus touchées par la crise sont celles exclues du marché du travail. Or, plus le salaire minimum est élevé, plus leur retour à l’emploi est difficile. Augmenter le SMIC pour relancer la consommation n’est donc pas une solution : ni pour les entreprises, déjà fragiles, qui pourraient être contraintes de licencier davantage; ni pour les chômeurs, dont les possibilités de retour à l’emploi seraient amoindries.

Pourtant, la dégradation de la conjoncture économique n’impose-t-elle pas des changements structurels ? Plus le salaire minimum légal est élevé, plus la « trappe à chômage » est profonde, et plus nombreux sont les chômeurs exclus du marché de l’emploi. Pour solutionner ce problème, la France gagnerait à s’inspirer de certains de ses voisins européens, dans lesquels le salaire minimum n’est pas fixé de manière uniforme par la loi.

L’existence d’un salaire minimum légal implique que le législateur se substitue aux employés, aux partenaires sociaux et aux employeurs pour décider du niveau des salaires les plus bas. Dans les pays scandinaves ou en Italie, les syndicats se sont opposés à une telle substitution, c’est-à-dire à l’introduction de tout salaire minimum légal, expliquant que la fixation du salaire minimum devait relever de conventions, par entreprises ou par branches. En conséquence, six pays au sein de l’Union Européenne n’ont tout simplement pas de salaire minimum légal : l’Allemagne, Chypre, le Danemark, la Finlande, l’Italie et la Suède.

Ce mécanisme de fixation des bas salaires permet une bien meilleure prise en compte de la diversité des entreprises, des secteurs d’activités, et des zones géographiques, ce qui est un avantage conséquent en période de crise. Par conséquent, même si certains des pays ayant un droit du travail relativement flexible risquent de connaître une hausse du chômage plus importante dans un premier temps, ils seront aussi ceux qui sortiront de la crise le plus vite, et retrouveront une croissance soutenue.

À l’heure où le chômage monte en flèche, une réflexion de fond sur le mode de fixation du salaire minimum ne serait donc pas superflue. Alors que des revalorisations du SMIC accroîtraient les licenciements et l’exclusion, une politique donnant le primat aux négociations et au contrat sur la loi dans la fixation des salaires, donnerait au marché de l’emploi davantage de flexibilité, et le retour à l’emploi des chômeurs serait grandement facilité. Une « trappe à chômage », particulièrement néfaste en période de crise, serait supprimée. Au final, c’est la reprise de l’économie toute entière qui pourrait être accélérée.

Guillaume Vuillemey est chercheur à l’Institut économique Molinari

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