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Le substitut plus fort que le précautionnisme

Le principe de précaution est parfois appliqué de manière trop large en France. Une interdiction, pour être efficace, doit avoir un substitut, au risque de voir les comportements devenir encore plus à risque. Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Échos.

L’approche précautionniste gagnerait à être réservée aux risques systémiques menaçant la société dans sa globalité. Sinon, il y a danger que le principe de précaution soit rejeté en bloc, y compris quand il peut être crucial d’y recourir, par exemple dans le cadre de pandémies. Abuser du principe de précaution, en l’appliquant à des comportements qui ne présentent pas de risques de contagion pour les autres, c’est aussi créer du risque. Les réglementations comportementales ou moralisatrices sont en ce sens un cas d’école.

L’approche à l’égard des comportements dits « à vices » est devenue excessivement moralisatrice au fil du temps, comme nous le mesurons dans la 5e édition de l’indicateur des Etats moralisateurs. Elle ne vise pas à réduire les risques systémiques, qu’il faut veiller à endiguer en raison de leur nature multiplicative, ni à lutter contre les comportements créant des risques pour les tiers, par exemple la conduite en état d’ivresse ou le tabagisme passif. Elle entend protéger, par la contrainte, les consommateurs contre les risques qu’ils sont susceptibles de créer pour eux-mêmes.

L’approche à l’égard des comportements dits « à vices » est devenue excessivement moralisatrice au fil du temps, comme nous le mesurons dans la 5e édition de l’indicateur des Etats moralisateurs. Elle ne vise pas à réduire les risques systémiques, qu’il faut veiller à endiguer en raison de leur nature multiplicative, ni à lutter contre les comportements créant des risques pour les tiers, par exemple la conduite en état d’ivresse ou le tabagisme passif. Elle entend protéger, par la contrainte, les consommateurs contre les risques qu’ils sont susceptibles de créer pour eux-mêmes.

La Turquie en tête

Dans la dernière édition des Etats moralisateurs, la France occupe la 13e place, position intermédiaire dans la catégorie des pays moyennement moralisateurs. Elle faisait initialement partie des pays les plus moralisateurs, mais avec le temps, en raison de la forte montée en puissance des législations moralisatrices chez ses voisins, la France apparaît plus tolérante. En 2023, c’est la Turquie qui occupe la place de l’Etat le plus moralisateur, suivie de la Norvège, puis de la Lituanie. A l’opposé, l’Allemagne est en tête des pays les moins moralisateurs (30e), suivie de la République tchèque et de l’Italie.

Si la France se situe en position moyenne, ce n’est pas tant que ses réglementations en matière d’alcool, de tabac, d’aliments et de boissons sans alcool sont clémentes, mais parce qu’elle a adopté un positionnement pragmatique concernant les produits alternatifs au tabac comme la cigarette électronique.

Cela mérite d’être salué, car une politique visant à susciter des changements de comportements doit impérativement s’inquiéter, pour réussir, de l’existence de bons substituts. Or, les produits chauffés du tabac sont de plus en plus plébiscités et de nombreuses études indépendantes trouvent une amélioration de l’état de santé des fumeurs, une fois que ceux-ci remplacent la cigarette par des produits sans combustion.

Un effet régressif

Une politique publique, quelle qu’elle soit, doit éviter l’écueil d’être exclusivement pénalisante pour le consommateur. Dans de nombreux domaines, la France mène des politiques qui, en l’absence de bons substituts, génèrent des effets pervers nuisant à l’atteinte de l’objectif visé. Tant que la demande cherche à être satisfaite d’une manière ou d’une autre (on dit qu’elle est contrainte ou manque d’élasticité), les politiques comportementales mal conçues ont un effet régressif. C’est particulièrement visible lorsque la fiscalité – qui dépasse les 500 % pour les cigarettes – pousse les plus modestes à se tourner vers des produits moins taxés mais pas forcément meilleurs, le marché noir et/ou les marchés parallèles.

On ne devrait jamais perdre de vue que l’approche précautionniste devrait être réservée aux situations de risques multiplicatifs pour autrui. Dans les autres configurations, la recherche de bons substituts est la démarche la plus efficace.

Cécile Philippe

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