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La capitalisation pour réduire les déficits publics liés aux retraites

Les retraites sont responsables de la moitié des déficits publics, ce que ne prend pas en compte le COR. Mais des marges de manœuvre existent grâce à la capitalisation. Texte d’opinion par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publié dans Contrepoints.

Il est intéressant qu’au même moment où le gouvernement cherche désespérément des milliards à économiser, le Conseil d’orientation des retraites (COR) annonce un excédent de 4,4 milliards pour 2022 en matière de retraites.

Pourquoi faire le rapprochement entre la dépense publique et l’équilibre des retraites ? Parce que les deux sont liés.

Les retraites à l’origine de la moitié des déficits publics

Comme le COR a omis 884 milliards de déficits des retraites depuis 20 ans, peu de monde réalise que les retraites expliquent la moitié des déficits publics. Aussi, certains continuent à penser que l’on peut résorber durablement les déficits publics en cherchant des économies dans la santé, le logement, l’aide à l’emploi, etc.

En ouverture des Assises des finances publiques le 19 juin, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, annonçait avoir trouvé, après première revue des dépenses publiques, 10 milliards d’économies. Le chiffre peut faire sourire tant il est dérisoire eu égard à l’ampleur des déficits publics évalués à 4,7 % du PIB ou 124,5 milliards d’euros en 2022.

Il ne l’est pourtant pas, car trouver des économies en omettant la question du paiement des retraites est une gageure. En France, on n’a toujours pas pris la mesure de l’impact des retraites qui, depuis 1959, représentent 55 % de la progression des dépenses publiques et des déficits.

Si cet impact reste peu connu du public comme de nos autorités, c’est sans doute parce que ces dernières ne disposent pas des mesures adéquates. En dépit de la création en 2000 du COR, pour étudier la question des retraites et documenter les choix publics, force est de constater que nos dirigeants sont mal informés par une institution qui occulte 94 % des déficits.

En effet, depuis sa création, le COR a choisi par convention de ne calculer que les déficits des retraites du privé et des collectivités locales, en omettant les déséquilibres des retraites de l’État sous prétexte qu’ils sont financés par le budget. Il ne viendrait pourtant à l’idée de personne de prétendre qu’EDF était à l’équilibre l’an passé, sous prétexte qu’elle a été étatisée.

Pour tenir compte des déficits des retraites de l’État l’an passé, il faut ajouter 54,8 milliards d’euros (ou 2,1 % du PIB) aux chiffres du COR. Les retraites étaient donc déficitaires de 50,4 milliards d’euros, et non en excédent de 4,4 milliards tel que calculé par le COR.

De 2002 à 2022, le COR a occulté des déficits des retraites qui représentent ou 884 milliards d’euros courants ou 2 % du PIB par an. Le déficit des retraites a été 16 fois plus élevé que ce qu’a calculé le COR.

En faisant la lumière sur ces chiffres, il devient possible de mieux comprendre pourquoi il est si difficile depuis des décennies de remettre en ordre les finances publiques.

Dans le privé, les cotisations sociales se sont alourdies au point de nuire à la compétitivité, obligeant l’État à multiplier les allègements de charges depuis 20 ans.

Dans le public, les retraites non provisionnées des fonctionnaires coûtent de plus en plus cher.

Conséquence : le point d’indice, permettant de réévaluer les traitements des fonctionnaires, a stagné pendant des années. Il est impossible de réduire les dépenses et améliorer significativement l’attractivité des emplois publics quand près du tiers du budget de ministères majeurs sert à payer les retraites (Éducation nationale, intérieur, justice…).

Nombre de défis français se mesurent à l’aune de la question des retraites et de leur financement. C’est pourquoi c’est aussi de ce côté-là qu’il faut rechercher des solutions qui puissent réaliser des économies durables, sans pour autant renier les promesses faites.

L’exemple du Sénat

Or, contrairement aux idées reçues, des marges de manœuvre existent.

Un travail récent de l’Institut économique Molinari montre que l’État devrait imiter le Sénat, qui économise 13 % de ses dépenses grâce à la capitalisation retraite. Si les retraites de l’État étaient gérées comme au Sénat, l’État aurait économisé 433 milliards d’euros sur 15 ans et réduit son déficit de 30 %.

Le provisionnement des retraites des personnels publics est une source d’économies structurelles qui n’a pas été exploitée en France, sauf rares exceptions (Sénat, Banque de France…). Pour des raisons historiques, cette méthode a été écartée dès 1853 par l’État, Napoléon III ayant pris l’habitude de financer les retraites des fonctionnaires au jour le jour, par l’intermédiaire du budget. Il est temps de remettre au goût du jour le provisionnement. C’est la seule façon d’honorer les promesses faites aux fonctionnaires, sans que cela soit un fardeau pour les comptes publics et les contribuables.

Cécile Philippe

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