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Retraites: «Il faut généraliser la capitalisation collective en complément de la répartition»

Nous plaidons pour que le système de retraite ne repose pas uniquement sur la répartition, mais s’appuie également sur un principe de capitalisation collective, à l’image du modèle des pharmaciens et de leur caisse de retraite complémentaire, la CAVP. Tribune collective co-signée par Cécile Philippe et Nicolas Marques, respectivement présidente et directeur général de l’Institut économique Molinari, publié le 18 février 2023 dans Le Journal du Dimanche.

S’agissant des retraites, les réformes douloureuses se succèdent depuis trente ans. Les cotisations ont augmenté, l’âge de départ a reculé, les modalités de calcul et de réévaluation des pensions ont été durcies. Cela réduit aussi bien le pouvoir d’achat des actifs que celui des retraités. Un sentiment de lassitude voire d’exaspération s’installe sans que les déficits ne disparaissent.

Immanquablement, la tension va monter plus encore. Les projections sont claires. Si l’on ne réagit pas, le pouvoir d’achat des aînés va drastiquement baisser. Selon le Conseil d’orientation des retraites, il reviendra en 2070 au niveau des années 1980, avec une baisse du pouvoir d’achat relatif des retraités de l’ordre de 20 % par rapport au reste de la population.

Ce recul est la conséquence mécanique d’une démographie chancelante et d’un financement quasi exclusif des retraites au jour le jour par la répartition dans le secteur privé. Les cotisations sociales du moment financent les retraites du moment. Avec le contre-choc du baby-boom, le fameux théorème d’Alfred Sauvy – « ce sont les enfants d’aujourd’hui qui feront les retraites de demain » – se retourne contre nous. De 1950 à aujourd’hui, la fécondité a chuté de 3 à 1,8 enfants par femme. Moins d’enfants, c’est moins d’actifs, moins de cotisants, moins de retraites.

Cela rend la situation inextricable et repose la question de la place du collectif. Limiter le financement des retraites obligatoires à la répartition conduit à paupériser la masse des futurs retraités du privé. Cela crée aussi un monde à deux vitesses avec, d’un côté, une masse tributaire de retraites modestes, et de l’autre, ceux qui épargnent et limitent ainsi l’érosion de leur pouvoir d’achat à la retraite.

En France, les régimes obligatoires de retraite des salariés reposent exclusivement sur la répartition. Ce mode de financement, intéressant dans les années 1950 caractérisées par un sursaut inédit de la natalité, est aujourd’hui moins attractif. La répartition était aussi rentable qu’un placement rapportant 9 % pour la génération née en 1920. Son rendement avoisine 2,5 % pour la génération 1950. Pour la génération 2000, ce sera moins de 2 %. Le tout répartition est particulièrement pénalisant pour le pouvoir d’achat. Ce n’est pas une surprise, l’ordonnance d’octobre 1945 sur les assurances sociales soulignait qu’« il n’est pas douteux que le régime de la répartition est plus onéreux que celui de la capitalisation ».

C’est pour cela qu’à la Libération, les pouvoirs publics comme les partenaires sociaux, ont envisagé la mise en place d’un système mixte alliant répartition et capitalisation obligatoires. L’histoire a voulu que la capitalisation reste facultative. Pour autant, les quelques professions qui ont eu la clairvoyance de réinstaurer des capitalisations obligatoires constatent que c’est une réussite. C’est notamment le cas des pharmaciens (CAVP). Une partie de leur retraite complémentaire repose sur la capitalisation collective, ce qui permet d’épauler leur répartition moins rentable en raison de la démographie. C’est aussi le cas des 4,5 millions de fonctionnaires qui bénéficient sont affiliés d’office depuis 2005 de la Retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), un fonds de pension géré de façon paritaire, investi en partie en actions françaises et étrangères, avec un rendement de 5,6 % par an en moyenne depuis quinze ans.

Pour éviter que le pouvoir d’achat des futurs retraités ne baisse trop, il faut généraliser ces dispositifs de capitalisation collective en complément de la répartition. Continuer à entretenir l’illusion d’une répartition pouvant financer, à elle seule, des retraites attrayantes, conduit inéluctablement à la réduction des prestations sociales collectives, à l’opposé de la tradition française.

Les partenaires sociaux, qui cogèrent les retraites complémentaires françaises depuis 1947, gagneraient à s’emparer de ce sujet. L’Agirc-Arrco dispose d’une réelle légitimité. Elle distribue des retraites par répartition depuis plus de 75 ans sans recourir à l’endettement. Elle pourrait créer un équivalent de la Retraite additionnelle de la fonction publique, qui fonctionnerait au profit de tous les salariés du privé. Ce serait la meilleure façon de limiter le recul du pouvoir d’achat des futurs retraités. Cela soutiendrait aussi la croissance, en facilitant le financement des entreprises et des chantiers d’avenir, en particulier ceux liés à la transition vers une économie décarbonée. La société française a besoin de solutions porteuses d’espoir, faute de quoi le collectif, comme la démographie, déclinera.

Signataires :

  • François Asselin (président de la CPME) ;
  • Thibaut Bechetoille (ancien président de CroissancePlus) ;
  • Philippe Berthelot (président de la CAVP) ;
  • Philippe Desfossés (ancien directeur de l’ERAFP) ;
  • Xavier Fontanet (ancien Président d’Essilor) ;
  • Audrey Louail (Présidente de CroissancePlus) ;
  • Cécile Philippe et Nicolas Marques (Institut économique Molinari) ;
  • Christian Saint-Étienne (économiste universitaire).

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