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Réforme des retraites : pas encore votée, déjà périmée

Pour la sixième fois depuis 1993, il s’agit de réformer pour faire des économies. Texte d’opinion par Nicolas Marques, directeur général de l’Institut économique Molinari, publié dans Valeurs actuelles.

Une fois de plus, les retraites sont au cœur de l’actualité. Le président de la République souhaite que les actifs travaillent plus longtemps, en allant plus loin que la loi Touraine de 2014. Cette démarche de bon sens reste pour autant bien insuffisante compte tenu de la dégradation de la démographie.

On ne le dira jamais assez, reculer l’âge de la retraite à 65 ans ne remettra pas les retraites à l’équilibre. Cela réduira les dérapages, sans les compenser. L’essentiel des déficits est lié à la baisse de la natalité, qui, pendant des décennies, a permis de financer les retraites via le budget dans le public et la répartition dans le privé. Les autres facteurs ont une importance moindre, qu’il s’agisse de la hausse de l’espérance de vie ou du calcul avantageux des pensions des fonctionnaires.

Dans le privé, l’âge d’or de la répartition, avec 4 cotisants par retraité dans les années 1960, est fini depuis le contre choc du baby-boom. Il y a aujourd’hui 3 fois moins d’actifs, avec 1,4 cotisant par bénéficiaire de l’Assurance vieillesse. Aussi, le niveau de vie des pensionnés va se détériorer significativement.

Dans la fonction publique d’Etat, avec 0,9 cotisant par retraité, la situation est problématique. Mais la baisse de la démographie produit des effets différents. L’Etat s’est engagé à servir des retraites généreuses (75% du dernier traitement indiciaire), sans mettre d’argent de côté pour honorer ses promesses, contrairement aux institutions publiques responsables (Banque de France, Sénat…). Bilan, les pensions plombent le budget de l’Etat qui est systématiquement déséquilibré. Au global les retraites des fonctionnaires consomment 33 milliards d’euros par an de subventions d’équilibre et expliquent 30 % des déficits publics depuis 20 ans.

L’alignement des retraites publiques sur celles du privé n’est plus d’actualité. Aussi le bon sens serait de provisionner les promesses dérogatoires que l’Etat fait à ses personnels. C’est la seule façon pour qu’elles cessent d’être une source de dérapages financiers. L’opération serait gagnante pour le contribuable, les gains générés par les placements permettant d’autofinancer une partie des pensions, sans faire appel aux prélèvements obligatoires ou à la dette.

Dans le secteur privé bien géré, et notamment à l’Agirc-Arrco, l’enjeu est de faire monter en puissance une dose de capitalisation collective. C’est la seule façon d’épauler la répartition devenue moins attrayante et de limiter la perte de pouvoir d’achat des retraités.

Ce dossier ressemble étrangement à celui de l’énergie. Il est impossible de construire un mix résilient avec les seules énergies renouvelables en se passant du nucléaire. Il en va de même des retraites. La natalité étant faible, il est impossible de se passer de capitalisations collectives, sauf à accepter une baisse massive des pensions. Quoi qu’il advienne, cette réforme des retraites ne sera pas la dernière.

Nicolas Marques

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