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Retraites, excédents fictifs et réforme factice?

Reculer l’âge de la retraite à 65 ans ne rééquilibrera en aucun cas les retraites. Cela réduira les dérapages, sans les compenser. Texte d’opinion par Nicolas Marques, directeur général de l’Institut économique Molinari, publié dans Contrepoints.

Cocorico. Les retraites seraient à nouveau excédentaires.

Le Conseil d’orientation des retraites (COR) affiche un surplus de 900 millions en 2021 et attend un excédent de 3,2 milliards en 2022. Certains en concluent qu’il n’y a pas péril en la demeure et qu’on peut se contenter de reculer l’âge de la retraite au rythme prévu, en laissant jouer la loi Touraine. La majorité présidentielle veut accélérer le rythme en insistant sur l’importance de travailler plus longtemps (64 ou 65 ans) afin de dégager les moyens permettant de financer d’autres projets (grand-âge…).

Dans les faits, tous se trompent. S’il est certain que travailler plus améliorera les comptes publics, le retour à l’équilibre ne pourra pas être atteint avec cette seule méthode. Les dérapages sont bien plus significatifs que ceux que le COR veut bien afficher, le tout répartition étant devenu un gouffre avec la baisse de la natalité.

Soulignons d’abord que les dérapages financiers sont huit fois plus élevés que les chiffres officiels publiés depuis 2002. Le COR oublie systématiquement de prendre en compte les subventions permettant d’équilibrer les retraites des fonctionnaires. Elles sont 1,3 % du PIB par an depuis 2002. À cette date, le COR a commencé à calculer son déficit des retraites avec une méthode contestable ne tenant pas compte du caractère dérogatoire des cotisations retraite en vigueur dans le secteur public. Elles représentent pourtant 85 % des traitements indiciaires brut des fonctionnaires civils d’État, soit trois fois plus que les cotisations retraite des salariés (28 % des salaires brut). Par rapport au secteur privé, l’État cotise 57 % de plus sur les traitements des fonctionnaires civils, ce qui s’apparente à une subvention d’équilibre. Lorsqu’on intègre ce déficit caché, les déficits sont huit fois plus élevés depuis 20 ans (1,5 % du PIB par an vs 0,2 %). Ils représentent une trentaine de milliards en 2021 et 2022. Les excédents affichés par le COR – représentatifs du seul secteur privé, en l’occurrence le régime bien géré par l’Agirc-Arrco – sont l’arbre qui cache la forêt.

Reculer l’âge de la retraite à 65 ans ne rééquilibrera en aucun cas les retraites. Cela réduira les dérapages, sans les compenser. Contrairement à une idée reçue, les déficits sont liés de façon anecdotique à la hausse de l’espérance de vie. Ils sont avant tout la conséquence de la baisse de la natalité, dans un pays ayant tout misé sur le financement des retraites par la répartition. L’âge d’or de la répartition, avec 4 cotisants pour 1 retraité dans les années 1960, est bel et bien fini. Il y a 3 fois moins de cotisants par retraité dans le privé (1,4 pour 1) et 4 fois moins dans l’État (0,9 pour 1). Par conséquent, il faut taxer les salaires à 28 % dans le privé et 85 % dans l’État pour financer les retraites.

La solution pragmatique pour compenser la baisse de la natalité est d’augmenter la proportion de capitalisation. Dans le secteur public, les démarches responsables sont soit d’aligner les retraites sur celles du privé, approche qui ne fait pas consensus, soit commencer à provisionner les promesses dérogatoires que l’État fait à ses personnels, pour qu’elles cessent d’être une source de déficits.

Dans le secteur privé, et notamment à l’Agirc-Arrco, l’enjeu est de faire monter en puissance une dose de capitalisation collective. C’est la seule façon d’épauler la répartition, moins attrayante depuis le contre choc du baby-boom. C’est la méthode qui a été employée avec succès par la Caisse de retraite des pharmaciens (CAVP) depuis 2009. Cela permet de contrebalancer la dégradation du rendement de leur répartition, conséquence de leur démographie (un cotisant par retraité). Leur régime capitalisé finance aujourd’hui 50 % des retraites servies aux pharmaciens libéraux.

À ce stade, il n’en est officiellement pas question. La prochaine réforme risque d’être aussi cosmétique qu’impopulaire. Il n’empêche, le temps comme le pragmatisme jouent contre le statu quo.

Nicolas Marques

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