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Le mythe des aides aux entreprises en France

Les aides aux entreprises ne doivent pas être considérées comme des « cadeaux » mais comme des correctifs à une situation fiscale qui reste anormale en France. Elles représentent seulement « sixième du handicap généré ». Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Échos.

Une entreprise qui ne peut pas faire supporter ses charges et impôts par des personnes physiques meurt. Seules celles qui parviennent à trouver un acteur – consommateur, actionnaire ou salarié – désireux – ou obligé par manque de substituts – de supporter la fiscalité peuvent poursuivre leurs activités et fournir les biens et services demandés. Ce concept est crucial pour comprendre nombre de phénomènes, et, en particulier, celui des soi-disant aides aux entreprises. Les aides, quand elles existent, bénéficient forcément aux consommateurs, actionnaires, salariés ou aux chômeurs qui peuvent, grâce à elles, trouver un emploi.

En France, la question des aides est souvent abordée sous l’angle idéologique du « cadeau » sans comprendre leur incidence ni les comparer aux charges. Or, avant de parler d’« aides aux entreprises », en sous-entendant qu’elles sont choyées au détriment de tous les autres acteurs, il est important de revenir à des ordres de grandeur. Ils montrent qu’en dépit des dispositifs d’allégements de charges et impôts, la France n’a toujours pas restauré les conditions d’une compétitivité comparable à celle de ses voisins.

Dans une étude récente de l’Institut économique Molinari, nous avons calculé que pour dégager 100 € d’excédent net d’exploitation, l’entreprise moyenne en France devait s’acquitter de 168 € de prélèvements obligatoires nets de subvention, contre 79 € dans l’Union européenne en 2019. La fiscalité pesait ainsi négativement deux fois plus sur la compétitivité que dans le reste de l’UE à la veille de la crise sanitaire.  En dépit de la baisse des impôts de production, la France restera, en 2021, 35 % moins rentable que l’UE, 28 % moins rentable que le Royaume‐Uni, 30 % moins rentable que l’Allemagne, 43 % moins rentable que l’Italie et l’Espagne et 45 % moins rentable que les Pays‐Bas.

En plus d’impôts de production hors-normes, les charges sociales en France restent aussi très élevées. Au final, pour un salarié moyen célibataire sans enfant, l’écart de rémunération nette de cotisations et d’impôts est de 7 points avec la moyenne de l’Allemagne, Pays-Bas, Espagne, Italie et Royaume-Uni réunis. Or, cet écart ne peut être entièrement imputé à une protection sociale de meilleure qualité puisqu’avec des dépenses de protection sociale (34 % du PIB) proches de l’Allemagne (30 %) ou de l’Italie et des Pays‐Bas (29 %), les dépenses de protection sociale par habitant en France (12 200 €) sont équivalentes à celles de l’Allemagne (12 600 €) et plus faibles qu’aux Pays‐Bas (13 500 €).

Même en 2022, l’économie française restera dans une position concurrentielle délicate : aides et subventions déduites, la fiscalité ciblant les entreprises devrait être encore supérieure de 1,6 points de PIB à celle de ses voisins. Par conséquent, en France, les dispositifs restaurant une partie de la compétitivité ne devraient pas être analysés comme des « cadeaux » mais comme des correctifs à une situation qui reste anormale. Sans eux, les sociétés non financières et financières ne collecteraient pas de l’ordre de 700 milliards d’euros de prélèvements obligatoires par an. Sans ces dispositifs le chômage serait plus élevé et le pouvoir d’achat plus déprimé. La France n’aide pas les entreprises, elle se contente de réduire d’un sixième les handicaps générés par une fiscalité surdimensionnée et aussi mal-conçue dont il faut à tout prix se défaire.

 

Cécile Philippe

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