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Ne ressuscitons pas le régime universel de retraites

S’il est une conséquence positive du covid, c’est d’avoir mis un coup d’arrêt à une réforme des retraites contreproductive. Texte d’opinion par Cécile Philippe et Nicolas Marques, respectivement présidente et directeur général de l’Institut économique Molinari, rédigé pour Contrepoints.

S’il est une conséquence positive de Covid, c’est d’avoir mis un coup d’arrêt à une réforme des retraites contreproductive. Mal pensée, elle ne traitait pas les vrais enjeux et générait plus de problèmes qu’elle n’en résolvait. Pendant de longs mois cette réforme a réussi le double tour de force de braquer une partie de la France tout en passant à côté des défis de fond, comment financer économiquement les retraites en favorisant les gouvernances robustes.

La France a fait un pari osé, celui de financer presqu’entièrement les retraites par la répartition. Un choix à l’origine pragmatique, la capitalisation ayant été laminée par l’inflation dans les années 1940, qui s’avère problématique avec l’évolution défavorable de la démographie. Les retraites expliquent 59% de l’augmentation des dépenses publiques depuis 1959, comme nous le montrions dans un rapport réalisé en partenariat avec Contrepoints. Les pensions sont financées par des cotisations sur le travail (dans le privé) ou les impôts (dans le public), ce qui pénalise la compétitivité et le pouvoir d’achat des cotisants et des contribuables. Faute de mobiliser les marchés financiers pour financer une partie des retraites, nous avons besoin de plus de prélèvements obligatoires, ce qui détruit des emplois et du pouvoir d’achat pour les actifs comme les futurs retraités. On ne dira jamais assez combien la priorité devrait être de diversifier le financement des retraites françaises, pour réduire sa dépendance vis-à-vis d’une répartition coûteuse, du fait du vieillissement de la population.

L’autre travers de la réforme des retraites était l’absence de réflexion sur les institutions susceptibles, ou non, de faire les bons choix. A l’inverse du principe de subsidiarité, elle organisait une table rase sous la houlette de l’Etat, en balayant 70 ans d’histoire sociale et les institutions ayant fait leurs preuves. Elle organisait la suppression des caisses de retraites des professions libérales, et notamment la CAVP des pharmaciens. Or, particulièrement bien gérée, cette caisse a eu la sagesse de mettre en place des réserves significatives au sein de son régime par répartition et de créer un régime en capitalisation collective. S’agissant des salariés, la réforme supprimait l’Agirc-Arrco, une réussite du paritarisme à la française. Cette institution, cogérée par les représentants des salariés et des employeurs, a fait preuve de clairvoyance et maîtrise opérationnelle. Les équilibres financiers y sont respectés, avec un mécanisme en points et des réserves financières évitant les dérapages financiers. Elle sait aussi gérer les rapprochements entre caisses, un point faible de l’Etat qui ne brille ni par sa clairvoyance ni pas son doigté en la matière. De même, l’Etat proposait d’éteindre tous les régimes prévoyants du public faisant appel à la capitalisation (ERAFP, Banque de France, Sénat) et faisant économiser de l’argent aux contribuables, soit l’inverse d’une bonne gestion. Et surtout pourquoi confier la gestion des retraites de tous les Français à l’Etat qui a fait la preuve de son incapacité à gérer les retraites de ses personnels depuis 170 ans ?

Dès 1853, l’Etat a démantelé les caisses de retraite des fonctionnaires, organisées ministère par ministère, au motif que certaines d’entre-elles étaient déficitaires. À l’opposé de toute prévoyance, il a récupéré leurs capitaux et pris la mauvaise habitude de payer les pensions par le budget, sans mettre de l’argent de côté. Un des ministres des Finances de la troisième République disait que « Le gouvernement a agi comme les fils de famille dissipateurs, qui grèvent l’avenir pour se procurer tout de suite une ressource précaire ». Depuis, notre Etat s’est montré imprévoyant et versatile. Alors qu’il était évident que la démographie allait faire exploser les dépenses retraites, il a été décrété la retraite à 60 ans en 1982. S’il y a eu des velléités en 1999 de mettre en place des réserves avec le Fonds de réserve des retraites, celui-ci a été sous-alimenté et l’Etat a pris l’habitude de puiser dans ses caisses. Après avoir eu l’intelligence de mettre en place une capitalisation collective en 2003 pour tous les fonctionnaires en créant l’Etablissement de retraite additionnel (ERAFP), la réforme voulait la supprimer il y a quelques mois, en dépit de ses excellentes performances. On le voit bien, fusionner toutes les caisses de retraites au profit d’un Etat incapable de penser le temps long était une erreur fondamentale. Certains prétendent que cette démarche était bonne mais mal comprise. C’est porter bien trop de crédit à cette réforme, structurellement nocive.

C’est un sujet sur lequel il convient de rester vigilant. Si l’idée du régime universel a pris du plomb dans l’aile politiquement, elle avance malheureusement à grands pas du point de vue opérationnel. A bas bruit les pouvoirs publics organisent la centralisation des flux financiers et des systèmes d’information. Officiellement, il s’agit de faire des économies. Mais une fois que l’Etat contrôlera l’argent et l’information, il détiendra de facto le pouvoir face à des caisses de retraites devenues dépendantes. Au lieu de fusionner les outils, il faudrait se poser les questions clefs, à savoir comment financer économiquement les retraites et garantir qu’elles soient gérées par des institutions ayant des gouvernances respectueuses du temps long.

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