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L’État doit repenser le financement des retraites des fonctionnaires

Alors qu’Emmanuel Macron avait promis de supprimer les régimes spéciaux, son quinquennat s’achève sans réforme des retraites. L’économiste Nicolas Marques regrette que l’État ait renoncé à penser le financement efficace des retraites du public depuis un siècle. Texte d’opinion par Nicolas Marques, directeur général de l’Institut économique Molinari, publié dans Le Figaro.

Dans son intervention du 15 décembre 2021, le président de la République avait expliqué qu’il «nous faut aller vers un système simplifié» avec «grosso modo trois grands régimes» pour la fonction publique, les salariés et les indépendants. Une proposition qui, on l’espère, marque un pas vers le pragmatisme. Nous aurions beaucoup moins de problèmes si l’État se contentait d’être un employeur responsable et, accessoirement, un régulateur avisé en matière de retraites.

Un des travers de la réforme des retraites abandonnée était de proposer une démarche de table rase tout en occultant le sujet de fond, à savoir comment financer les retraites des fonctionnaires. Génératrice de craintes, cette réforme supprimait malencontreusement tout ce qui fonctionne bien en France, des caisses paritaires ou professionnelles bien gérées (Agirc-Arrco, CAVP…) aux capitalisations collectives (ERAFP, Banque de France, Sénat…).

Nous avons la particularité d’avoir un État qui a renoncé à penser le financement efficace des retraites du public depuis un siècle et demi. C’est ce qui explique une part significative des déficits publics depuis le contrechoc du baby-boom. Dès 1853, l’État a démantelé les caisses de retraite des fonctionnaires, organisées ministère par ministère, au motif que certaines d’entre elles étaient déficitaires. À l’opposé de toute prévoyance, il a récupéré leurs capitaux et pris la mauvaise habitude de payer les pensions par le budget, sans mettre de l’argent de côté. Un des ministres des Finances de la troisième République disait que «Le gouvernement a agi comme les fils de famille dissipateurs, qui grèvent l’avenir pour se procurer tout de suite une ressource précaire». Pierre Mathieu-Bodet, Les finances françaises de 1870 à 1878 (Hachette, 1881).

Ce fut bien avant la mise en place de la répartition, initiée en 1941 et généralisée à la Libération. Depuis, notre État a continué à ne pas faire de réserves, alors qu’il était évident que la démographie allait faire exploser ses dépenses retraites. À l’inverse, tous les régimes par répartition responsable de droit privé, tels l’Agirc-Arrco ou la CAVP des pharmaciens, se sont mis à placer des capitaux en vue des changements prévisibles. Les États responsables, tels le Québec, ont fait de même. Le gouvernement québécois s’est mis à placer les cotisations retraites de ses employés dans les années 1990, pour les faire fructifier et pouvoir s’acquitter des retraites sans faire exploser les prélèvements obligatoires. À ce stade, l’État au Québec a mis de côté de quoi honorer 85 % des sommes dues aux retraités actuels et futurs dans son Fonds d’amortissement des régimes de retraite (FARR), tout en soutenant le développement économique de la province. En France, l’État n’a quasiment rien fait et les avoirs du Fonds de réserve des retraites (FRR) représentent à peine 2 % des promesses faites par l’État à ses personnels. Bilan; les pensions d’État mobilisaient l’an passé 58 milliards, soit quasiment autant que les salaires nets des fonctionnaires (62 milliards). L’argent mobilisé de façon imprévoyante dans les retraites manque ailleurs.

Le bon sens serait que l’État mette de l’ordre dans ses affaires, au lieu de chercher à régenter les retraites du privé, bien mieux gérées. La priorité n’est pas de remettre à plat les retraites des salariés ou celles des professions libérales. L’histoire a montré qu’elles surmontent les difficultés, avec des mécanismes de gouvernance leur permettant de prendre des décisions responsables, qu’il s’agisse de constituer des réserves, d’adopter des fonctionnements par points ou de rapprocher les régimes. Le chantier de fond concerne les retraites que l’État distribue en tant qu’employeur. Elles sont la source de dérapages financiers, conséquence du manque de rigueur d’un État jusqu’à présent incapable de gérer le long terme.

Le bon sens milite pour que l’État se mette à provisionner les retraites qu’il promet aux personnels qu’il recrute. Cette démarche sera particulièrement profitable puisque l’État émet de la dette à des taux faibles, alors que le rendement des placements à long terme est significatif. Pour preuve, le Fonds de réserve des retraites a créé 12 milliards de valeur pour le contribuable sur les dix dernières années. Au lieu de le vider, il faut le faire monter en puissance pour provisionner les retraites que l’État promet aux fonctionnaires qu’il embauche. En complément, il convient de faire monter en puissance l’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP). Ce fonds de pension, cogéré par les représentants des personnels et des employeurs publics est une réussite, comme en attestent ses performances depuis 2006 (5,4 % par an).

S’agissant des salariés, le bon sens serait de consolider l’existant autour de l’Agirc-Arrco, en lui confiant la gestion d’une capitalisation collective sur le modèle de l’ERAFP, comme nous le proposons avec CroissancePlus. S’agissant des caisses de retraite des professions libérales, dont certaines sont très bien gérées, le rôle de l’État est de vérifier qu’elles se dotent de mécanismes garantissant les équilibres et la constitution de réserves, à l’image de ce qu’ont fait les pharmaciens avec la CAVP. Le rôle de l’État n’est pas de faire du mécano entre les régimes. Il est, en tant qu’employeur, de gérer ses retraites d’une façon économe pour les contribuables et, en tant que régulateur, de s’assurer que les autres acteurs font de même.

Nicolas Marques

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