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Retraites : généralisons la capitalisation collective

La mise en place d’une capitalisation collective pour tous en matière de retraite aurait pu être la réforme la plus progressiste et la plus importante du quinquennat. Pour des raisons idéologiques, on s’y refuse. C’est une erreur. Texte d’opinion de Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publié dans Les Échos.

Dans ses voeux pour 2020, le président Macron a appelé à la responsabilité à propos des retraites, soulignant la nécessité de l’équilibrer financièrement. Cependant, en ne retenant qu’une vision comptable de cet équilibre, il passe – en même temps que les syndicats – à côté de ce qui aurait pu être la réforme la plus progressiste et la plus importante du quinquennat, en refusant obstinément d’organiser une capitalisation collective pour tous.

La réforme s’est focalisée sur un aspect universel dérisoire eu égard à la nécessité de trouver des ressources pour servir des retraites décentes. En effet, en soixante ans, les dépenses de retraites ont triplé en France suite au vieillissement. En 1959, on comptait 0,24 retraité par actif et la collectivité dépensait 5,1 % du PIB au titre des pensions. En 2017, il y avait 0,74 retraité par actif et la collectivité consacrait aux retraites 14,9 % du PIB.

En dépit de cette évolution, les retraites restent à 98 % issues du système par répartition, qui prélève des cotisations sur les actifs pour les verser directement aux personnes à la retraite. On se refuse obstinément pour des raisons idéologiques à recourir à la capitalisation collective.

Ce que disait Jaurès

Or, il y a tout juste cent dix ans, le socialiste Jean Jaurès nous montrait le chemin en expliquant que l’on pouvait être de gauche et favorable à la capitalisation. Début janvier 1909, il publiait dans le journal L’Humanité une série d’articles expliquant en quoi la capitalisation peut, « bien maniée, par un prolétariat organisé et clairvoyant, servir très substantiellement la classe ouvrière ».

A l’inverse de nos syndicats actuels, qui continuent à diaboliser la capitalisation, il y écrivait qu’en rendant la classe ouvrière « à la fois capitaliste et salariée », elle lui permettrait de recevoir « tout le produit social qui résulte de la mise en oeuvre de ce capital par le travail ouvrier ».

En militant pragmatique, il osait briser des frontières idéologiques et promouvoir une démarche émancipatrice en soulignant que, « quand une partie du capital est possédée par la classe ouvrière, quand cette portion du capital porte intérêt au compte des ouvriers, la classe ouvrière, dans la mesure de ce capital, est à la fois capitaliste et salariée ; elle reçoit tout le produit social qui résulte de la mise en oeuvre de ce capital par le travail ouvrier ».

Aveuglement

Alors que les ressources manquent pour financer les retraites, pourquoi refuser de recourir aux marchés financiers pour alléger et améliorer collectivement l’équation financière de celles-ci. Ce refus est au coeur du dysfonctionnement français et, en le faisant perdurer, il est certain que, loin d’avoir un système universel et juste, nous maintiendrons et amplifierons un régime à deux vitesses.

L’aveuglement conjoint du gouvernement et de nos syndicats se focalisant sur un système unijambiste nous fait passer à côté de 61 milliards de recettes par rapport à la moyenne de l’OCDE. Nous n’avons d’ailleurs pas besoin de regarder ailleurs pour trouver de l’inspiration. Qu’il s’agisse de notre fonds de pension public l’ERAFP (Etablissement de retraite additionnelle de la fonction publique), de l’Agirc-Arrco ou de la caisse des pharmaciens, les résultats sont là. Ces organismes savent placer nos ressources intelligemment. Il suffirait de généraliser ces expériences probantes pour avoir une réforme des retraites juste et vraiment progressiste.

Cécile Philippe

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