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Les aides à la production des biocarburants

Texte d’opinion publié le 6 février 2013 sur 24hGold.

Nous faisions donc état d’une augmentation exponentielle de la production de biocarburants au cours des trois dernières décennies et avons montré comment cette augmentation a pu modifier la structure de production agricole. Dans cet article, je propose de nous pencher sur les causes de cette augmentation soudaine de la production des biocarburants.

Souvent utilisés durant les premières décennies du XXème siècle (avant la découverte des énergies fossiles) les biocarburants ont commencé à être produits à grande échelle à partir des années 1990, essentiellement propulsés par l’avènement des préoccupations environnementales.

En Europe, par exemple, leur production a notamment été relancée par la disponibilité d’un certain nombre de terres mises en jachère en 1992, dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC). Cette politique avait consisté à demander aux agriculteurs de ne pas utiliser une partie de leurs terres destinées à certaines cultures, notamment les céréales, en échange d’une rémunération visant à maintenir élevés les prix de produits agricoles. L’usage de ces terres agricoles (implicitement subventionnées par la PAC) pu alors facilement être redirigé vers la production de biocarburants.

La même année aux États-Unis, dans l’Energy Policy Act, le gouvernement a donné suite à un rapport de l’Agence pour la protection de l’environnement en mettant en oeuvre une série de mesures visant à encourager la production de biocarburants.

De toute évidence, les choix d’investissement dans cette production n’ont pas été stimulés par les préférences attendues des consommateurs mais ont surtout été poussés par des mesures politiques qui ont mis en place un système complexe d’incitations afin de relayer l’absence de profits.

Ainsi, au niveau international, les biocarburants sont très peu taxés : le biodiesel par exemple est entièrement exempté de droits de douane, tandis que l’éthanol reste comparativement très peu taxé dès lors qu’il est mélangé à de l’essence. Le fait que les plus grands producteurs de biocarburants soient les pays qui soutiennent le plus leur propre production ne relève pas du hasard. Bien que ces réglementations évoluent d’une année à l’autre et que la plupart des incitations (comme les réductions d’impôts) soient difficilement quantifiables, plusieurs instituts et rapports surveillent ce phénomène et produisent régulièrement des estimations.

Concrètement, les aides aux biocarburants (essentiellement l’éthanol) fournies par les États-Unis ont été estimées en 2006 à environ 7 milliards $. Le gouvernement chinois, un producteur beaucoup plus modeste à l’échelle mondiale, avait, quant à lui, aidé leur production de seulement 115 millions $, soit 0,40 $ par litre d’éthanol produit.

Le coût des aides accordées aux biocarburants au sein de l’Union européenne sont estimées entre 3 et 4 milliards d’euros par an. Par exemple, en 2006 le litre d’éthanol produit était subventionné à hauteur de 0,74 € tandis que celui de biodiesel l’était à hauteur de 0,50 €.

Il faut cependant préciser que les calculs ci-dessus sont difficiles à produire. Dans le cas de l’Union européenne, par exemple, la production de biocarburant y est en effet soutenue depuis plusieurs décennies à travers différents types de mesures qui évoluent rapidement.

Il s’agit d’abord de subventions directes : entre 2004 et 2009, l’UE a par exemple fourni une aide aux cultures énergétiques, ACE, de 45 €/ha.

Une autre forme de soutien à l’industrie des biocarburants sont les aides fiscales encouragées par l’Union européenne. Par exemple en France, les biocarburants profitent depuis 2003 d’une défiscalisation partielle de la taxe intérieure de consommation (TIC), d’un montant qui en 2011 a été de 14 €/hl pour le biodiesel et 8€/hl pour l’éthanol.

Enfin, une autre manière de stimuler l’industrie de biocarburants, et peut-être la plus importante et la plus efficace, consiste à exiger l’incorporation des biocarburants dans les combustibles fossiles. En France, par exemple, ce pourcentage en constante augmentation avait été fixé à 7% en 2010 et s’il était inférieur le distributeur devait payer une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).

Somme toute, il est crucial de comprendre que la surproduction des biocarburants (et implicitement le détournement des ressources alimentaires et des terrains agricoles) n’est ni un hasard, ni le résultat de la volonté des entrepreneurs mais en premier lieu la conséquence inévitable d’incitations politiques soutenues au cours des trois dernières décennies et manifestées sous différentes formes de subventions et aides.

Marian Eabrasu est professeur d’économie et d’éthique à l’ESC-Troyes. Il a été chercheur à l’International Centre for Economic Research (Turin, Italie) et à l’institut Ludwig von Mises (Auburn, Etats Unis). Il est l’auteur de nombreux articles publiés dans des revues à comité de lecture comme La Revue Française de Science Politique, Quarterly Journal of Austrian Economics, Business and Society, etc.

Marian Eabrasu

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