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Que nous apprend l’évolution de la masse monétaire en zone euro?

Texte d’opinion publié le 25 janvier 2013 sur 24hGold.

Le premier bulletin monétaire de la Banque Centrale Européenne (BCE) pour l’année 2013 contient des statistiques très informatives quant aux derniers développements de la masse monétaire. Il serait fort instructif de commenter ces données à la lumière de la théorie monétaire afin de porter un jugement informé sur l’état de la politique monétaire de la BCE.

Apres une période de forte croissance, qui a duré de 1999 à 2007, la hausse de la masse monétaire en zone euro, mesurée par l’agrégat M3, a fortement décliné entre 2007 et 2009, période à laquelle elle est devenue nulle. Depuis lors, le taux de croissance annuel du stock de monnaie a repris sa hausse, pour s’approcher des 4 pour cent à la fin de 2012. Ces développements suggèrent trois enseignements majeurs. Premièrement, la quantité de monnaie en zone euro ne s’est pas contracté depuis la crise financière. C’est tout au plus son taux de croissance qui a fléchi. Deuxièmement, la quantité de monnaie a recommencé à croitre durant les trois dernières années. Troisièmement, cette croissance renouvelée a l’air de s’accélérer. On peut en conclure que la politique expansionniste de la BCE est en train de porter ses fruits.

Les statistiques monétaires font état également de l’évolution des contreparties de la création monétaire. Ces contreparties représentent les actifs sur les bilans des institutions monétaires et financières qui correspondent à l’évolution des passifs de ces institutions, c’est-à-dire aux changements dans la masse monétaire. L’évolution des contreparties nous renseigne donc sur la manière dont la nouvelle monnaie a été créée, et tout particulièrement sur ses principaux bénéficiaires.

Les données indiquent que le crédit au secteur privé a contribué négativement à la hausse de la masse monétaire. En d’autres termes, la nouvelle monnaie n’a pas bénéficié aux entrepreneurs privés. Du point de vue de l’analyse des bilans, la contribution négative du crédit privé a été compensée par une contraction presqu’identique des passifs bancaires de long-terme, qui ne font pas partie de la masse monétaire. Il s’ensuit que l’évolution du volume de la masse monétaire suit de très près, et est principalement expliquée, par les changements intervenus dans les autres contreparties.

Parmi ces autres contreparties, de loin la plus importante a été les crédits accordés aux gouvernements. En effet, ceux-ci ont cru de presque 9 pour cent au troisième trimestre de 2012 par rapport au même trimestre de 2011. Pour comparaison, le crédit privé a baissé de 1 pour cent sur la même période.

Une conclusion incontestable s’impose : la nouvelle monnaie créée par les banques en zone euro a bénéficié aux gouvernements. Elle a servi à financer leurs déficits persistants ainsi que la hausse de leurs dettes. Cela en dit long sur les efforts affichés de consolidation budgétaire et sur les résultats effectifs de la politique de la BCE. Ce lien établi, il convient de se demander dans quelle mesure la politique monétaire actuelle retarde la consolidation budgétaire, et donc les reformes structurelles tant nécessaires pour revenir à la stabilité des finances publiques et des marchés financiers.

Siméon Brutskus a vécu sa jeunesse à l’Est, avant de parfaire son éducation économique en France. Sa carrière d’enseignant-chercheur l’a conduit à s’intéresser à la théorie et politique monétaires, et au rôle qu’occupent les banques centrales dans la déstabilisation des systèmes financiers.

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