Le manifeste du mouvement «Tea Party»
Traduction d’un article de Dick Armey et Matt Kibbe paru le 17 août 2010 dans le Wall Street Journal.
Ce mouvement ne recherche pas un partenariat avec le Parti républicain. Il vise à l’annexer.
Le 9 février 2009, munie de prospectus, d’un thermos d’eau et du courage de ses convictions Mary Rakovich, ingénieur dans le secteur automobile récemment licenciée, s’apprête à participer à un congrès à Fort Myers en Floride. Elle s’est sentie obligée d’agir, alarmée par la prolifération des sauvetages en tout genre et l’explosion des dépenses gouvernementales à la fin de l’ère Bush.
Mary n’avait alors pas consciente d’être sur la ligne de front d’une révolution populaire qui allait embrasée toute la nation. À plus de 4 800 km de là (3000 miles), Keli Carender, un jeune professeur de Seattle et membre d’un groupe de comédie, se sent également frustrée. Elle décide alors de rassembler les citoyens qui le sont tout autant qu’elle. « L’état des finances de ce pays n’est pas durable » affirme-t-telle. « Nous ne pouvons continuer à dépenser de l’argent que nous n’avons pas. »
Les rangs de cette révolte citoyenne se comptent aujourd’hui par millions. Son nom vient du fameux chroniqueur Rick Santelli de la chaîne CNBC qui, de la bourse de Chicago en février 2009, a appelé à créer un nouveau mouvement « Tea Party ». Ce faisant, il cherchait à souligner que les États-Unis ont été fondés sur le principe révolutionnaire de la participation citoyenne et de la primauté de l’individu sur le gouvernement. Telle est la philosophie du mouvement.
Le mouvement « Tea Party » est devenu un phénomène social puissant parce qu’il n’a pas un seul et unique leader. Il n’est dirigé par personne en particulier ni par aucun parti politique. Il n’appartient à aucune « paroisse ».
Les critères d’adhésion sont simples : rester fidèle à ses principes même lorsque ça dérange, s’affirmer tout en étant respectueux, ajouter de la valeur et ne pas s’attribuer le succès des autres. Notre communauté repose sur le principe Trader : nous nous associons par consentement mutuel dans le but de faire partager nos buts en matière de responsabilité fiscale et de limitation des pouvoirs du gouvernement. Ce sont ces principes qui ont fait de la manifestation du 12 septembre 2009 à Washington, l’une des plus importantes de l’histoire de notre pays.
Les différentes branches de ce mouvement ont créé un marché propice aux nouvelles idées, aux innovations et stratégies créatives. Les meilleurs pratiques viennent de la base, elles se forment autour de la table de cuisine, au sein de communautés Facebook, dans des clubs de livres ou sur les fils Twitter. C’est un chaos splendide ou comme le décrirait le prix Nobel d’économie Friedrich Hayek un « ordre spontané ».
La décentralisation est la meilleure façon de maximiser les contributions de chacun et de bénéficier de leurs connaissances. Les leaders sont ces activistes qui savent s’imposer par leur meilleure connaissance du terrain. Dans le monde réel, cela relève du bon sens. À Washington D.C., cela semble radical.
La foule que constitue l’administration gouvernementale ne peut pas échapper à la logique de l’autorité centralisée. Elle ne peut imaginer un ordre social qui ne soit pas sous contrôle. Quelqu’un se doit d’être aux commandes, quelqu’un qui sait ! Un gouvernement omnipotent est audacieux et prétentieux.
Pour la gauche et pour les membres actuels du parti démocrate, quel que soit le problème, la solution implique plus de gouvernement, à savoir des décisions prises par des bureaucrates sensés savoir très exactement ce dont nous avons besoin. Les membres du mouvement refusent cet État « nounou » dont le leitmotiv est la redistribution et le contrôle. Pour la simple et bonne raison qu’il ruine notre pays.
Alors que le mouvement « Tea Party » n’est pas un parti politique, les réseaux locaux ont laissé les manifestations derrière eux pour se consacrer maintenant au problème de la responsabilité politique. Déjà, on constate lors de primaires républicaines que les électeurs tournent le dos à ceux qui dépensent sans compter. Ils soutiennent dorénavant les candidats qui ont signé « le Contrat d’Amérique », à savoir un ensemble de principes politiques élaborés par des centaines de milliers d’activistes.
Publié en avril dernier, le Contrat est une sorte de sceau qui marque l’approbation par le mouvement. Il exige des politiques fiscales qui limitent le pouvoir du gouvernement et ses dépenses. Il propose des réformes du système de santé fondées sur les principes de libre marché, s’oppose à Obamacare, à l’augmentation des impôts et au marché des droits à émissions qui ne peuvent que tuer la création d’emplois et anéantir la croissance économique. Les candidats qui ont signé le Contrat – notamment Marco Rubio (Floride), Mike Lee (Utah) et Tim Scott (Caroline du sud) – ont déboulonné les candidats républicains traditionnels lors des primaires.
Ces jeunes entrepreneurs en politique vont modifier l’équilibre au sein du Congrès et exiger un gouvernement plus sérieux, responsable et limité.
Reste qu’une chose est sûre : le mouvement « Tea Party » ne recherche pas un partenariat avec le Parti républicain. Au contraire, il s’agit plutôt de l’annexer.
Les valeurs américaines de liberté individuelle, de responsabilité fiscale et de gouvernement limité encadrent notre mouvement. Cela le rend supérieur à tout parti politique. Il s’agit d’une communauté qui ne cesse de s’agrandir et qui peut survivre bien après les élections de novembre, de sorte qu’elle pourra veiller au respect des engagements pris par les candidats élus.
Dick Armey est un ancien leader de la majorité républicaine à la chambre des représentants et président du conseil d’administration de Freedom Works. Matt Kibbe en est le président et directeur général. Ils sont les auteurs Give Us Liberty: A Tea Party Manifesto, publié le 17 août chez HarperCollins.