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Le fragile équilibre des marchés boursiers

Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.

La tentation d’interférer dans les marchés boursiers est forte actuellement, comme nous le montrent les débats occasionnés par l’OPA de Mittal sur Arcelor ou les profits de Total. Or de telles interventions aboutissent souvent à des effets contraires aux résultats escomptés.

La tentation d’interférer dans les marchés boursiers est forte actuellement, comme nous le montrent les débats occasionnés par l’OPA de Mittal sur Arcelor ou les profits de Total. Ou encore la lutte contre la « spéculation à court terme» et la « course aux profits » monétaires, au nom desquelles les décideurs politiques semblent toujours prêts à réglementer pour « privilégier le long terme ». Or de telles interventions aboutissent souvent à des effets contraires aux résultats escomptés. Il est donc utile de rappeler à quoi sert le marché boursier et pourquoi il est préférable de le laisser fonctionner correctement.

Le « marché boursier » désigne essentiellement les échanges de titres de propriété d’entreprises[[Il existe également d’autres catégories de produits cotés, mais cela ne change pas fondamentalement notre propos.]] appelés couramment « actions ». Sa fonction première est de mettre en relation des « entrepreneurs », personnes cherchant à développer une activité économique, avec des « investisseurs », personnes désireuses de faire fructifier leurs avoirs monétaires. Schématiquement, les premiers ont des idées mais pas d’argent, les seconds de l’argent mais pas d’idées.

Parce qu’il a une taille importante, le marché boursier permet de réaliser cette symbiose à grande échelle. Sans lui, seul un tout petit nombre d’entrepreneurs pourrait entreprendre, et un tout petit nombre de gens placer leur capital. Le marché boursier, parce qu’il est la seule institution permettant la réalisation d’investissements à grande échelle, est donc essentiel à une économie développée, c’est-à-dire capable de fournir en quantité importante une grande variété de biens et de services, ceux-là même qui font partie de notre quotidien et dont personne ne voudrait se passer. En bref, la bourse permet de dépasser le stade de l’artisanat, dont les produits sont rares et coûteux.

Pour que les investisseurs acceptent d’acheter des actions, il faut qu’ils puissent les revendre sans difficulté s’ils le souhaitent. Bien peu de gens en effet acceptent de placer leurs avoirs si ceux-ci sont bloqués pour un temps très long. C’est la raison pour laquelle les actions sont cotées, c’est-à-dire échangeables presque à tout moment contre des espèces, pour peu qu’un acheteur se présente.

Bien sûr, cette cotation a des conséquences : suivant leurs objectifs et leur personnalité, certains intervenants réaliseront de nombreux achats et ventes à brève échéance, parfois dans la même journée. On les appelle souvent des « spéculateurs ». D’autres n’achèteront et ne vendront que tous les ans, voire moins. On les appelle les « investisseurs à long terme ». En réalité, cette distinction est quelque peu artificielle : des investisseurs à long terme peuvent à tout instant devenir spéculateurs, et vice-versa. Ils peuvent également être à la fois spéculateurs sur certains titres et investisseurs à long terme sur d’autres.

On entend souvent critiquer la spéculation, qu’il faudrait décourager par la fiscalité. C’est méconnaître l’utilité des spéculateurs qui, en guettant les opportunités de marché, ses « inefficiences », rendent les marchés plus efficients qu’ils ne seraient autrement, c’est-à-dire plus corrélés à la réalité économique sous-jacente. Les spéculateurs s’efforcent de repèrer les anomalies dans les prix et de les exploiter à leur profit. Ce faisant, ils orientent les prix vers des niveaux qui reflètent mieux la réalité économique. S’ils se trompent et qu’ils ne parviennent pas à ce résultat, ils font des pertes, ce qui est la meilleure garantie qu’ils feront tout pour ne pas se tromper.

Lorsque les investisseurs à long terme, moins expérimentés, interviennent, ils sont alors mieux assurés d’acheter ou de vendre leurs actions à des prix raisonnables. Sans spéculateur, les marchés boursiers présenteraient beaucoup plus d’anomalies sur des périodes de temps beaucoup plus longues. Les investisseurs seraient confrontés à une probabilité accrue d’acheter à des prix exorbitants ou de vendre à des prix dérisoires. Dans une certaine mesure, c’est déjà ce qui se passe actuellement, puisque la spéculation est largement découragée par le biais d’une fiscalité défavorable.

Les interventions gouvernementales constituent pour les investisseurs potentiels des risques politiques qui sont autant d’incertitudes supplémentaires et ils les prennent en compte de la même façon que n’importe quel autre risque : en demandant un rendement plus important. Cette augmentation des rendements exigés suite à l’accroissement du risque a différents effets, notamment une pression plus intense sur les dirigeants, les cadres et finalement tous les salariés, se traduisant par une tendance à la contraction des salaires. Ce qu’on disait précisément vouloir éviter.

Si le risque politique augmente trop (comme ce pourrait être le cas par exemple si le gouvernement décidait de surtaxer les profits de Total), il se peut que les investisseurs se retirent du marché, estimant leur risque global trop élevé ou simplement non mesurable. Si les pouvoirs publics interviennent systématiquement, la conséquence peut être l’effondrement du marché boursier, voire la disparition des institutions boursières elles-mêmes. Chaque aspect du marché boursier, chaque rôle spontané joué par les intervenants a son utilité, et les interventions politiques peuvent souvent avoir des conséquences inattendues et dommageables.

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