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Santé : la téléconsultation ne doit pas être un bouc émissaire

L’Assurance maladie devrait jouer un rôle constructif et s’impliquer davantage dans la prévention au lieu d’accuser l’innovation de tous les maux. Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Echos.

Après son envol en 2020 avec la pandémie, la téléconsultation – dans la ligne de mire de l’Assurance maladie – fait l’objet de nouvelles réglementations visant à limiter son essor. Jugée inflationniste, elle subit ce qui s’apparente à un tir de barrage, alors qu’elle est une innovation utile dans un pays où l’accès aux soins est un sujet.

La dernière réforme en date porte sur la nécessité d’un agrément obligatoire pour les sociétés de téléconsultation salariant des médecins, avec des modalités peu claires à ce stade. Avant cela, un plafond de 20 % du volume d’activité à distance avait été imposé aux médecins. De même, il avait été décidé qu’un arrêt maladie ne peut pas dépasser 3 jours dans le cadre d’une téléconsultation. Quelle que soit la mesure envisagée, elle a pour objectif, dans la grande tradition de l’Assurance maladie, de lutter contre l’offre afin de contenir les coûts.

Consacrée en 1996 avec l’Ondam, la maîtrise comptable des coûts de l’assurance maladie porte bien son nom. Elle est comptable avant d’être économique et fonctionne à l’aveugle. En effet, jugeant l’offre de soins comme inflationniste, l’Assurance maladie appréhende fréquemment les innovations comme susceptibles de générer des coûts supplémentaires.

De façon classique, la téléconsultation est accusée de participer activement à l’inflation du coût des arrêts maladie. Pour certains, c’est une évidence. Les arrêts maladie ont augmenté de 47 % entre 2019 et 2022. Cette période correspond aussi à l’envol de la téléconsultation, qui décolle avec Covid. Mais nombre d’éléments laissent penser que le diagnostic est faux.

En effet, les chiffres montrent qu’après un envol à 27 % de la valeur des consultations des médecins et dentistes libéraux en avril 2020, le poids de la téléconsultation est retombé rapidement pour atteindre 3 % des consultations de généralistes en 2022. Plus encore, il y a de bonnes raisons de penser que la téléconsultation génère des économies pour l’Assurance maladie, comme nous l’avions calculé début 2022. Sur la base de travaux en économie de la santé, le recours aux consultations à distance pourrait réduire la facture transport, optimiser le recours aux urgences et réduire les dépenses relatives aux consultations de généralistes et spécialistes, pour un montant d’au moins un milliard d’euros par an en France.

Par ailleurs, les arrêts à la suite d’une téléconsultation représenteraient à peine 0,6 % de la facture totale d’indemnités journalières. C’est une goutte d’eau parmi les raisons expliquant l’envol des arrêts maladie depuis Covid. L’analyse des données de l’Assurance maladie montre en particulier qu’entre 2021 et 2022, le coût des indemnités journalières liées à Covid-19 explique au moins 45 % de la hausse des arrêts maladie par rapport à 2019. Vague après vague, le virus continue de toucher les populations, avec un coût des arrêts maladies liés à Covid identifié à 860 millions d’euros en 2021 et 1,7 milliards en 2022.

Il y a bel et bien un lien inflationniste. Il n’est pas entre téléconsultation et arrêts maladie, mais entre Covid et arrêts maladie, pour la simple raison que le virus continue à frapper la population plusieurs fois par an. On aimerait que l’Assurance maladie joue un rôle constructif et s’implique plus dans la prévention, un de ses points faibles structurels par rapport aux mutualistes et assureurs, au lieu de d’accuser l’innovation de tous les maux.

 

 

Cécile Philippe

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