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Il manque 15.100 milliards d’euros de capitalisation boursière en Europe!

L’Europe a besoin d’investissements colossaux pour relancer son économie. Tant qu’elle refusera de voir cette réalité, ses réflexions sur la compétitivité et l’innovation s’apparenteront à un exercice de style incantatoire. Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Échos.

En l’espace de quelques mois, l’Union européenne se fait le chantre de la compétitivité en Europe. Après les rapports Letta et Draghi, la nouvelle Commission vient de publier une feuille de route détaillant les actions à mener pour permettre à l’UE de retrouver de la compétitivité. Il en ressort une litanie d’actes qui exigent des investissements colossaux sans que les moyens pour les financer ne soient clairs.

En l’espace de quelques mois, l’Union européenne se fait le chantre de la compétitivité en Europe. Après les rapports Letta et Draghi, la nouvelle Commission vient de publier une feuille de route détaillant les actions à mener pour permettre à l’UE de retrouver de la compétitivité. Il en ressort une litanie d’actes qui exigent des investissements colossaux sans que les moyens pour les financer ne soient clairs.

Que des investissements colossaux soient nécessaires pour renouer avec la croissance, la chose est entendue. En effet, quand on cherche à expliquer la productivité du travail, un élément clé est l’investissement car des travailleurs avec plus de capital ont tendance à être plus productifs.

Le déficit de capitalisation boursière de l’UE par rapport aux Etats-Unis était de 15.100 milliards d’euros fin 2022. La capitalisation des entreprises européennes représentait 61 % du PIB, contre 155 % du PIB de l’autre côté de l’Atlantique.

Or, au niveau macroéconomique, l’investissement n’est pas au niveau nécessaire pour relever les défis de la productivité et de la croissance. Cela semble tenir en grande partie à un investissement en R&D plus faible des entreprises en Europe. Selon l’OCDE, il ne serait ainsi que de 1,2 % du PIB contre 2,3 % aux Etats-Unis. Alors que l’Europe s’était fixé en 2002 l’objectif d’atteindre un montant d’investissement équivalent à 3 % du PIB, elle n’y est jamais parvenue.

Trop de freins

De nombreuses raisons sont invoquées pour expliquer ce manque d’investissement global, tout particulièrement visible en Europe dans son incapacité à « créer de nouvelles entreprises technologiques et diffuser les technologies numériques dans l’économie ». Parmi elles, on compte évidemment toutes les règles qui empêchent purement et simplement de faire – à commencer par les règles de concurrence à propos desquelles la feuille de route défend une nouvelle approche plus compatible avec les besoins d’économies d’échelle et les marchés mondiaux.

A cela s’ajoutent les règles qui augmentent les coûts de manière prohibitive comme le traitement différencié des différentes sources d’énergie, dont le nucléaire alors que les acteurs de l’industrie comme du numérique ont de gros besoins d’électricité.

Des objectifs non alignés

Ce qui pose problème également, c’est le désalignement entre les différents objectifs. Il est ainsi légitime de se demander comment l’Europe pourra se doter d’une IA efficace et compétitive en même temps qu’elle poursuivra le RGPD, qui interdit le partage de données clés pour l’entraînement des IA, ou qu’elle pourra redonner de l’oxygène à ses entreprises tout en poursuivant strictement l’objectif d’émissions nettes nulles d’ici à 2050. Et c’est sans compter les retranscriptions excessives et les particularismes fiscaux français tels le maintien d’une fiscalité de production anachronique destructrice de richesse. Autant de dilemmes non résolus et pourtant essentiels.

Pas assez de capitaux

Plus encore, le rapport ne consacre qu’une page à la question du financement des investissements en affirmant sans justification que le capital ne manque pas en Europe. Les données montrent tout l’inverse. Le déficit de capitalisation boursière de l’UE par rapport aux Etats-Unis était de 15.100 milliards d’euros fin 2022. La capitalisation des entreprises européennes représentait 61 % du PIB, contre 155 % du PIB de l’autre côté de l’Atlantique. Cela est intrinsèquement lié au sous-développement des fonds de pension qui pèsent à peine 28 % du PIB en Europe, contre 135 % aux Etats-Unis. Tant que l’UE refusera de voir cette réalité, ses réflexions sur la compétitivité et l’innovation s’apparenteront à un exercice de style incantatoire aux effets au mieux marginaux.

Cécile Philippe est présidente de l’Institut économique Molinari.

 

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