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Le manque-à-gagner lié au sous-développement de l’épargne retraite

L’Institut économique Molinari publie cette étude inédite quantifiant le manque-à-gagner lié au sous-développement de l’épargne retraite en France et dans les différents pays de l’Union européenne (UE) durant la période 2012-2021.

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INTRODUCTION

Pour des raisons historiques, les régimes de retraite des pays européens font largement appel aux techniques de répartition, avec des retraites financées par les cotisations des actifs, et dans une moindre mesure aux techniques de capitalisation, avec des cotisations placées pour financer les retraites futures.

Selon la classification théorisée par la Banque mondiale en 1994, les régimes de retraites gagneraient à s’appuyer sur trois piliers pour renforcer leur résilience face au vieillissement(1). Le premier pilier prend la forme de régimes collectifs obligatoires fonctionnant en répartition. Le deuxième pilier consiste en des régimes obligatoires en capitalisation, pouvant prendre une forme collective, et un troisième pilier avec des régimes individuels volontaires en capitalisation.

Dans les faits, cette complémentarité est rarement réalisée dans les pays de l’Union européenne (UE). Sauf exceptions (Danemark, Pays-Bas ou Suède), les régimes par capitalisation y sont peu développés. Les pays faisant significativement appel à la capitalisation retraite sont souvent en dehors de l’UE (Islande, Suisse, Royaume-Uni) ou dans le monde anglophone (Australie, Canada, Etats-Unis).

Cette situation a deux effets. Elle rend le financement des retraites plus coûteux et dépendant des prélèvements obligatoires. Elle génère aussi un surcroit de risques, lié à l’absence de diversification du financement.

Si d’un point de vue théorique, le rendement « implicite » de la répartition peut être égal à celui de la capitalisation, comme l’a théorisé Paul Samuelson, lorsque le taux de croissance de la population et des salaires est égal au taux d’intérêt(2), ce n’est pas le cas depuis le contrechoc du baby-boom en raison du déséquilibre croissant entre le nombre d’actifs cotisants et celui des retraités.

Avec le contrechoc du baby-boom, le fameux théorème d’Alfred Sauvy – « ce sont les enfants d’aujourd’hui qui feront les retraites de demain » – s’est retourné contre nous. De 1950 à aujourd’hui, la fécondité a chuté de 3 à 1,8 enfant par femme. Moins d’enfants, c’est moins d’actifs, moins de cotisants, moins de moyens pour financer les retraites par répartition qui deviennent moins rentables et plus coûteuses.

Un très grand nombre de travaux soulignent que la rentabilité des placements financiers est désormais supérieure au taux de croissance et cet écart pourrait perdurer. Par conséquent, le recours quasi exclusif à la répartition, pratiqué en France et dans certains pays de l’UE, est coûteux et risqué. A l’opposé, la capitalisation apparait comme un mode complémentaire plus économique de financement des retraites offrant une plus grande robustesse à l’ensemble du système. La capitalisation bénéficie des performances des marchés financiers, qui bonifient les cotisations retraite. Avec une même quantité de prélèvements obligatoires, elle finance de meilleures retraites que la répartition. Une partie des pensions est auto-financée par les gains liés aux placements (dividendes, plus-values…), ce qui, à retraite égale, permet de réduire les cotisations. Cela permet de préserver la compétitivité, ou d’augmenter les salaires nets, pour accroitre le pouvoir d’achat.

C’est la raison pour laquelle les salariés néerlandais ayant des fonds de pension significatifs auront des pensions futures plus généreuses qu’en France. Avec 25 % de cotisations, soit 3 points de moins qu’en France (28 %), les Néerlandais devraient avoir un taux de remplacement de 89 % du salaire net selon l’OCDE, soit 15 points de plus que dans l’Hexagone (74 %)(3).

Combiner répartition et capitalisation permet aussi de réduire les aléas. Comment l’exposent Pierre Devolder et Roberta Melis, « les régimes de retraite par capitalisation et par répartition peuvent sembler très différents mais sont, en fait, complémentaires car ils traitent de risques distincts »(4). Les facteurs qui affectent leurs performances respectives n’agissent pas de façon simultanée sur ces deux mécanismes de financement(5) , d’où l’intérêt de combiner répartition et capitalisation. L’histoire récente, avec la pandémie de Covid-19, a confirmé cette réalité. Les régimes par répartition ont été mis à mal par la contraction de l’activité et des recettes associées. Pour certains régimes fonctionnant en prestations définies (sans mécanisme d’ajustement des prestations aux recettes) et sans réserve, la pandémie a été problématique(6). A contrario, les régimes par répartition ayant des réserves, pour faire face aux chocs, ou fonctionnant en capitalisation ont eu moins de difficultés à surmonter cette crise, dans la mesure où l’existence de capitaux placés à moyen ou long terme permettait de l’amortir.

Notes

  1. World Bank. (1994). Averting the old age crisis. Policies to protect the old and promote growth. 
    Summary.
  2. Paul Samuelson, lauréat du prix Nobel d’économie 1970, a développé une théorie de l’équivalence entre répartition et capitalisation. Dans un article de 1958, l’économiste américain a envisagé le cas d’une économie où il n’y aurait pas de possibilité d’accumuler des capitaux, ceux-ci fondant en quelque sorte comme neige au soleil. Le financement des retraites s’y ferait exclusivement selon une logique de répartition avec, dans certaines conditions, un rendement « implicite » égal à celui de la capitalisation. En effet, si le taux de croissance est équivalent au rendement des marchés financiers, il y a équivalence entre les rendements en répartition (implicites) et capitalisation (explicites). Samuelson, P. (1958). « An Exact Consumption-loan Model of Interest with or without the Social Contrivance of Money », Journal of Political Economy, volume LXVI décembre n°6 pp. 467-482.
  3. OCDE. (2021). Pensions at glance 2021 (p. 224). Paris.
  4. Devolder, P. et Melis, R. (2015). « Optimal mix between pay as you go and funding for pension liabilities in a stochastic framework », Astin Bulletin, The Journal of the IAA, Volume 45, Numéro 3,
    Septembre 2015, pp. 551-575.
  5. Voir par exemple Bouhakkou, L., Coën, A. et Folus, D. (2019). A portfolio approach to the optimal mix of funded and unfunded pensions, Applied Economics, page 1.
  6. Feher, C. et de Bidegain, I. (2020). Les régimes de retraite et la crise de la COVID-19 : répercussions et considérations (p. 9). Fonds monétaire international.
etude-epargne-retraite-2023

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