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Des pistes pour libérer les télécoms

Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Échos.

Le partage de la valeur est depuis des années au cœur des débats publics dans le but d’inciter les employeurs à mieux rémunérer leurs employés. Généralement pensé au niveau de l’entreprise, le concept s’étend parfois à des secteurs entiers, comme celui des télécommunications et du numérique. Thierry Breton, Commissaire européen au Marché intérieur, et Margrethe Vestager, Commissaire européenne à la Concurrence, défendent ainsi l’idée d’une « participation » des géants du net au financement des réseaux de télécommunications. Il est clair que le secteur des télécoms européen souffre mais la tentation redistributrice est plutôt un aveu d’impuissance de nos autorités face à des blocages qu’il faudrait lever avant d’envisager un partage, symbole d’une croissance absente.

Ces blocages sont tout d’abord de nature fiscale. En effet, le secteur des télécommunications est plus taxé que les secteurs marchands traditionnels. Il est doublement défavorisé par une fiscalité de production et des impôts sur les sociétés supérieurs à la moyenne. Les opérateurs français sont particulièrement pénalisés par des impôts de production (3,1 % du chiffres d’affaires, versus 1,4 %) et des impôts sur les sociétés historiquement supérieurs aux standards internationaux (39 % sur Orange versus 31 %). Pour rééquilibrer les choses, il faudrait au moins supprimer 1,5 milliard d’IFER (imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux).

Par ailleurs, dans ce secteur au cœur de la redéfinition de la puissance des Nations, on s’attendrait à ce que les autorités européennes se penchent sur une anomalie majeure du secteur, à savoir des acteurs extraordinairement nombreux. Au nom d’une vision de la concurrence rigide, les fusions sont drastiquement contrôlées, si bien que l’on compte plus de 40 opérateurs mobiles en Europe pour 445 millions d’habitants, là où les Etats-Unis comptent 3 opérateurs principaux pour un marché de 332 millions d’habitants. A la clé, une rentabilité des capitaux plus faible à 10,6 % par an sur la période 2002-2022 dans l’Union européenne (UE), contre 14,2 % dans le monde et 19,4 % aux Etats-Unis.

Enfin, l’Europe souffre d’un manque majeur de capitaux qui s’explique par l’absence d’un écosystème complet de financement de l’innovation du capital risque au marché boursier, alimenté par les capitaux d’investisseurs longs tels que les fonds de pension à tous les stades de développement. Ce manque de capitaux est un handicap majeur dans tous les entreprises traditionnelles et, plus encore dans les secteurs stratégiques comme celui des télécoms. Les acteurs européens ont en moyenne une capitalisation 6 fois moindre que celle de leurs homologues US, avec 27 milliards de dollars de capitalisation dans l’UE à fin 2022, contre 148 milliards de dollars aux Etats-Unis.

Le déficit de capitalisation boursière de l’UE par rapport à l’OCDE était de 10 400 milliards d’euros fin 2020. La France, avec une capitalisation à 106 % du PIB, était en retrait. Ce retard est en grande partie lié au sous-développement de l’épargne retraite qui ne représente qu’entre 8 et 15 % du PIB dans les grands pays européens contre 100% en moyenne dans l’OCDE.

Il faudrait que nos autorités croient encore dans la création de richesse. Ce ne sont pas les chantiers qui manquent. Qu’il s’agisse d’introduire une dose de capitalisation, de baisser les impôts de production ou autoriser les fusions, il y a encore des richesses à créer pour en avoir plus à partager.

Cécile Philippe

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