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Epargne à long terme, ne pas confondre baisse et perte

Alors que la réforme des retraites va revenir dans le débat politique, Cécile Philippe nous invite à considérer le rôle que les fonds de pension pourraient jouer en France s’ils étaient adoptés et bien gérés. Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Échos.

La France fait partie des pays de l’OCDE n’ayant ni fonds souverain ni fonds de pension collectif couvrant l’ensemble de la population. Certains se félicitent de cette situation, au motif que les marchés financiers sont instables.

Le plus gros fonds souverain de la planète, celui de la Norvège (1.240 milliards d’euros), ne confirme-t-il pas cette croyance puisqu’il a perdu 14 % dans la première moitié de l’année, lui coûtant – supposément – « 170 milliards d’euros » ? Pas si sûr, à condition notamment de garder la tête froide et de ne pas vendre au pire moment.

Il est évident que les fonds à long terme ne sont pas immunisés contre les chocs économiques. En revanche, ils ont des atouts qui peuvent leur permettre de les encaisser. Le fonds de pension gouvernemental norvégien en est un exemple.

Une perte potentielle qui ne dit rien de la rentabilité à long terme

Comme tout bon gestionnaire, la banque centrale norvégienne place à long terme des capitaux qu’elle n’a pas besoin de vendre à court ou moyen terme, évitant ainsi la réalisation de moins-values. C’est pourquoi la baisse de la valeur du fonds de réserve au premier semestre 2022 n’est que potentielle, les titres placés n’ayant pas été vendus.

Fin août, la valeur de marché du Government Pension Fund Global norvégien était remontée à 230.000 euros par habitant, soit un gain potentiel de 10.000 euros par personne. De la même manière en 2008, le fonds avait lourdement chuté (-23 %) mais les performances des deux années suivantes avaient permis d’effacer cette perte.

Un enrichissement à long terme en Norvège

D’une manière générale, regarder les performances à court terme des placements à horizon long est trompeur. A long terme – l’horizon qui compte pour les placements actions – tous les chiffres montrent que les Norvégiens s’enrichissent significativement grâce à leur fonds de réserve public. Depuis 1998, le Government Pension Fund Global a un rendement brut de 5,8 %, avant inflation, et net de 3,6 %, inflation déduite.

Le gouvernement français a pris l’habitude de piocher dans le Fonds de réserve des retraites sans prendre en compte la conjoncture, vendant parfois au pire moment.

Ce qui se rapproche le plus en France du fonds de pension norvégien est le Fonds de réserve des retraites (FRR). Ses déboires politiques illustrent bien notre manque d’anticipation en la matière, dans un pays qui a du mal à se projeter à moyen ou long terme.

Ce fonds public, mis en place par Lionel Jospin à la fin des années 1990, a accumulé 380 euros par habitant. C’est six fois moins que ce qui était prévu et 600 fois moins que le fonds de réserve norvégien.

Au lieu d’être alimenté chaque année, afin d’atteindre la cible de 150 milliards d’euros en 2020, le FRR a été sous-alimenté en dépit d’excellentes performances financières.

Un comportement inconstant de l’Etat en France

Au lieu de respecter l’objectif du fonds, l’Etat l’a vidé prématurément. Le gouvernement français a pris l’habitude de piocher dans le FRR sans prendre en compte la conjoncture. Il l’a, par exemple, récemment contraint à vendre 5 milliards d’euros au pire moment, alors que les marchés financiers étaient au plus bas. En dépit du comportement inconstant de l’Etat, le FRR n’a pas failli à sa mission d’un point de vue qualitatif avec une performance annualisée à 4,7 % par an depuis fin 2010.

La volatilité à court terme des marchés est agitée par certains comme un repoussoir mais céder aux craintes suscitées par les fluctuations en oubliant leurs performances à long terme est contreproductif. Les Norvégiens peuvent envisager le futur avec davantage de sérénité. Et nous gagnerions à les imiter. Nous avons en France les compétences en matière d’épargne longue, l’enjeu est de les déployer de façon systématique.

Cécile Philippe

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