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Les salariés français toujours lourdement taxés

Article de Manon Malhère publié par Le Figaro le 16 juillet 2022 dans le cadre des unes et de la double page dédiée au Jour de libération sociale et fiscale et aux enjeux français

Dimanche, il seront les avant-derniers en Europe à être « libérés fiscalement » et commenceront théoriquement à disposer pleinement des fruits de leur travail.

Ce dimanche 17 juillet est, pour les salariés français, le jour de la « libération fiscale », selon l’étude annuelle de l’Institut économique Molinari. Après avoir travaillé plus de six mois pour verser le montant des cotisations sociales, de l’impôt sur le revenu et de la TVA qu’ils doivent chaque année à l’Etat, ils vont donc en théorie disposer intégralement de leur salaire.

Ce jour de « libération fiscale » intervient un jour plus tôt cette année, mais, malgré les réformes engagées lors du précédent quinquennat pour réduire les prélèvements obligatoires, la France reste toujours à la traîne en Europe, en raison notamment du niveau record des charges patronales.

En moyenne, dans l’Union européenne, les salariés sont libérés depuis le 11 juin. Seuls les salariés autrichiens sont encore plus mal lotis : ils devront attendre lundi.

DÉCRYPTAGE – Derrière l’Autriche, la France est le pays européen où la pression fiscale et sociale est la plus lourde.

Davantage de charges et d’impôt que de pouvoir d’achat. Cette année encore, la France reste parmi les pays européens où la pression fiscale et sociale pèse le plus lourd sur le porte-monnaie des Français. Ce n’est qu’à partir de dimanche 17 juillet que les salariés français vont enfin pouvoir faire ce qu’ils veulent de leur argent. En effet, cette année, un salarié moyen et célibataire doit d’abord travailler jusqu’à cette date pour verser à l’État l’impôt sur le revenu, la TVA et les cotisations sociales dus, selon l’étude annuelle de l’Institut économique Molinari (IEM), que dévoile en avant-première Le Figaro. Certes, après être arrivé en tête de liste des membres de l’Union européenne durant six années consécutives, l’Hexagone a finalement été détrôné par l’Autriche dont le jour de libération intervient un jour plus tard, le 18 juillet. Mais, il n’y a évidemment pas lieu de crier victoire. La France reste en deuxième position suivie de près par la Belgique.

Le pays se situe ainsi bien loin de la moyenne européenne dont la date de libération fiscale et sociale est tombée cette année le 11 juin. C’est en outre le grand écart avec Chypre et Malte où les contribuables sont, eux, «libérés» depuis le mois d’avril. Quant aux autres bons élèves, «la Hongrie améliore une fois de plus son positionnement. Grâce à une nouvelle réduction des cotisations patronales de Sécurité sociale (…), les salariés hongrois célèbrent leur jour de libération fiscale et sociale 6 jours plus tôt qu’en 2021», note l’institut. Les salariés irlandais gagnent également 6 jours.

«Le résultat reste très mauvais pour la France. On observe une stagnation du salaire moyen, une hausse du coût de la vie et une pression fiscale qui reste forte», déplore Nicolas Marques, directeur général de l’institut. Pourtant, sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, le gouvernement a engagé une baisse inédite de pas moins de 50 milliards d’euros des prélèvements obligatoires dont 25 milliards pour les ménages. «Le poids des prélèvements obligatoires sur le salarié moyen a diminué significativement depuis 2018», reconnaît d’ailleurs l’Institut Molinari.

Charges patronales records
Plusieurs mesures comme le remplacement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice) en allégement de cotisations patronales ainsi que la baisse de l’impôt sur le revenu en 2019 ont eu un réel impact. Seulement voilà, si la France a gagné quelques jours de «liberté fiscale» en 2019, elle part de si loin en matière de prélèvements obligatoires qu’il est difficile de remonter la pente… En particulier, le niveau des cotisations sociales et, plus spécifiquement, des charges patronales, reste à un niveau «record» en France. Dans le détail, un employeur français doit débourser 218 euros – dont pas moins de 102 euros de charges patronales et salariales – pour que son salarié moyen bénéficie de 100 euros de pouvoir d’achat réel. Cette situation pèse évidemment sur le pouvoir d’achat des ménages, d’autant plus contraint en cette période d’explosion des prix.

D’ailleurs, pour tenter d’atténuer le choc inflationniste, l’exécutif n’a pas lésiné sur les moyens en engageant plusieurs dizaines de milliards d’euros ces derniers mois. Et le gouvernement n’hésite pas non plus à interpeller les patrons pour qu’ils prennent en charge une partie des surcoûts liés à l’inflation qui pèsent sur les salariés, via notamment une hausse des rémunérations. Lors de son discours du 14 juillet, Emmanuel Macron a d’ailleurs, lui-même, insisté sur la responsabilité des chefs d’entreprise en la matière. «Penser que les entreprises ont les moyens de corriger structurellement cette situation en augmentant les salaires est une illusion. Pour redonner du pouvoir d’achat aux salariés, il faudrait avoir le courage d’affronter les enjeux structurels avec des réformes systémiques permettant de dynamiser les salaires nets», rétorque Nicolas Marques.

Pour ce faire, l’institut insiste sur la nécessité de baisser davantage les impôts de production, dont le niveau toujours plus élevé que chez nos voisins européens «pénalise» la création d’emplois et, plus largement, l’attractivité du territoire français. Quant à l’assainissement des finances publiques, comme le rappelait récemment le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, dans une interview au Figaro , le modèle social français «nous coûte 10 points de PIB de plus que nos voisins européens». Réformer le système des retraites, qui représentait 25 % des dépenses publiques en 2020, est ainsi farouchement défendu par l’IEM. Également pointé du doigt, le poids élevé – 20 % de la dépense – de l’assurance-maladie et de la santé…

Le niveau record des cotisations sociales en France
Alors que l’employeur autrichien doit débourser 219 euros, le Français 218 euros et l’Allemand 204 euros pour que leur salarié obtienne in fine 100 euros de pouvoir d’achat réel en 2022, le patron irlandais, lui, ne doit verser que 158 euros… quand la moyenne européenne s’établit à 182 euros. C’est un fait, la pression fiscale et sociale sur le salarié moyen diffère largement entre les pays européens. Sans surprise, la France reste dans le groupe des très mauvais élèves, en raison principalement du niveau record des cotisations sociales. En effet, sur les 218 euros à débourser, en réalité, «l’employeur français doit s’acquitter de 66 euros de charges patronales et de 36 euros de charges salariales. Ce sont des records au sein de l’Union européenne», constate l’Institut économique Molinari (IEM). Le reste de la facture comprend 9 euros d’impôt sur le revenu et enfin 7 euros de TVA. En Autriche, où la pression est cette année un peu plus forte qu’en France, ce niveau de cotisations sociales est légèrement moins important avec 51 euros de charges patronales et 30 euros de charges salariales. De façon générale, selon l’institut, «les cotisations sociales représentent l’essentiel des prélèvements obligatoires supportés par le salarié moyen européen, sauf au Danemark (2 %)», où l’impôt sur le revenu pèse bien plus lourd, et dans une moindre mesure en Irlande (35 %).

Mode d’emploi :

  • Étape 1. Pour établir son palmarès du jour de «libération fiscale», l’institut Molinari (IEM) étudie pour chaque pays un profil type: un salarié moyen, célibataire sans enfant, avec un salaire brut moyen en agrégeant les charges sociales (salariales et patronales), l’impôt sur le revenu et la TVA (basée sur une consommation moyenne)
  • Étape 2. IEM calcule ensuite pour chaque pays un «taux de socialisation et d’imposition réelle», rapportant l’ensemble des impôts et taxes payés sur le salaire brut additionné des charges patronales
  • Étape 3. La date de «libération fiscale» pour chaque travailleur de chaque pays est alors obtenue en multipliant le taux de socialisation et d’imposition réelle par 365.

A lire aussi dans le cadre de la sortie du Jour de libération fiscale, l’interview du rapporteur général du budget à la commission des finances : Jean-René Cazeneuve: «Les impôts de production pèsent sur l’attractivité de la France»

 

Nicolas Marques

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