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Le nucléaire n’est pas un risque systémique

L’analyse coûts-avantages de cette technologie montre que ses bénéfices sont supérieurs aux risques qu’elle induit. En particulier parce qu’il peut diminuer le risque lié au réchauffement climatique, d’une échelle différente. Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Échos.

Le président Macron a annoncé en février 2022 vouloir « relancer la construction de réacteurs nucléaires » avec six nouveaux réacteurs, après avoir procédé à la fermeture définitive, en juin 2020, de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin). Au-delà des tergiversations sur le sujet, ces développements sont positifs car le nucléaire a une place à garder dans le mix énergétique futur.

En effet, en dépit de sa faible popularité au sein de l’opinion publique en raison de catastrophes comme celles de Fukushima , en 2011, l’analyse du risque nucléaire est en sa faveur, en particulier parce qu’il peut diminuer le risque lié au réchauffement climatique, d’une échelle différente. Comme l’expliquent les experts en complexité Nassim Taleb et Yaneer Bar-Yam, il convient de distinguer différents types de risques afin de déterminer s’il faut ou non appliquer le principe de précaution, c’est-à-dire s’abstenir de mener certaines actions.

Deux types de dommages à prendre en compte

La prise de risque est une nécessité pour innover et le progrès dans une société en dépend, à condition, nous disent les auteurs, que les risques pris soient limités, c’est-à-dire qu’ils ne s’étendent pas à tout le système. Ainsi, pour déterminer si une activité présente un risque systémique ou pas, il convient de se demander si elle est susceptible d’engendrer des risques à grande échelle ou si, au contraire, la matérialisation des risques restera locale. Ce critère de localité est essentiel, en particulier dans un monde qui, comme on l’a vu avec la dernière crise financière ou la pandémie, a aboli les frontières au moyen de connexions plus nombreuses que jamais.

Deux types de dommages potentiels doivent ainsi être pris en compte pour déterminer une approche appropriée du rôle du risque dans la prise de décision. D’une part, les impacts localisés qui ne se propagent pas, d’autre part, les impacts qui se propagent, entraînant des dommages irréversibles et étendus. Dans ce deuxième cas, l’application du principe de précaution est justifiée, selon Taleb et Bar-Yam.

Or le risque nucléaire, contrairement aux inquiétudes qu’il suscite parfois à raison, n’est pas systémique. Dès lors que l’usage du nucléaire reste à une échelle locale – sans réactions en cascade – et que la nature des risques qu’il génère a été largement étudiée – même si certaines incertitudes subsistent -, il est possible de formuler une analyse coûts-avantages.

La nature peut garder des déchets radioactifs sécurisés

Or, ce que nous dit cette analyse, c’est que les bénéfices du nucléaire sont supérieurs aux coûts, en particulier si on les compare au risque systémique du changement climatique. Car, comme le rappelle depuis des années l’ingénieur Jean-Marc Jancovici , « le nucléaire est un mode de production qui rejette extrêmement peu de CO2 par kilowattheure ». Sur le critère de l’espace occupé au sol, le nucléaire bat aussi tous les autres modèles énergétiques. Même chose côté matériaux, qu’il s’agisse de ciment, cuivre, acier, etc. Quant à la gestion des déchets, on sait que la nature peut conserver de manière sécurisée les déchets radioactifs, ce qu’elle a fait pendant 2 milliards d’années.

Les développements récents concernant le nucléaire vont donc dans le bon sens dans un pays où la production électrique était à 71 % nucléaire en 2019. Reste à récupérer le temps perdu, en prolongeant le plus longtemps possible le parc existant et en restaurant la capacité à construire de façon rapide et économique de nouveaux réacteurs.

Cécile Philippe

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