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Santé, les économies coûteuses et celles qui rapportent

Dans le domaine de la santé, toutes les coupes budgétaires ne se valent pas. Pour avoir trop longtemps centré le pilotage par les coûts, le système de soins en France se trouve privé d’innovations et peu enclin à la prévention. Texte d’opinion par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publié dans Les Échos.

La crise de la Covid 19 a mis le projecteur sur le sort des personnels de santé. Les Français ont découvert avec effroi combien certains étaient mal payés tandis que la part des non-soignants, personnels administratifs et techniques, était particulièrement élevée en France par rapport aux soignants. Ces caractéristiques du système de santé actuel sont loin d’être des anomalies. Elles résultent d’une vision comptable de la santé qui rationne ceux qui fournissent des soins, plutôt que sur la préservation économique de la santé.

Dans un pays vieillissant, la multiplication des problèmes de santé est inéluctable, mais leur bonne gestion permet à la population de rester en bonne santé. Par conséquent, la hausse des dépenses de santé ne peut être un critère d’évaluation du système dans son ensemble. Des dépenses peuvent être faibles car le service rendu n’est pas qualitatif ou élevées car elles prodiguent des services extraordinaires. Et inversement.

Et pourtant, face à la hausse continue des dépenses, l’idée s’est imposée de « maîtriser » les dépenses de manière administrative et comptable en rationnant les fournisseurs de soins. Les soignants ont été considérés comme des sources d’inflation des coûts, plutôt que comme les détenteurs d’informations précieuses et des acteurs d’une bonne gestion. La conviction s’est imposée qu’il fallait limiter le nombre de soignants (numerus clausus), contenir leur salaires (celui d’une infirmière étant 5% inférieur à celui du salarié moyen français) mais aussi contrôler administrativement leurs pratiques. Dans cette logique, le personnel administratif s’est étoffé au sein des services hospitaliers pour représenter 34% des emplois contre 24% en Allemagne ou 25% en Italie. Cette vision comptable a été consacrée par l’imposition en 1996 de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie. Voté chaque année par le Parlement, il n’a pas empêché l’accumulation des déficits de l’assurance maladie, ininterrompue depuis 1989.

C’est en grande partie l’échec d’une approche non qualitative. De même que toutes les dépenses ne se valent pas, toutes les coupes budgétaires ne sont pas synonymes d’efficacité durable. En effet, la maîtrise durable des dépenses passe par la contraction des besoins ou l’innovation. Or, le système actuel se révèle bien souvent incapable d’intégrer ces deux dimensions, comme l’illustre deux travaux récents.

La Cour des comptes vient de montrer que la faible place accordée à la prévention dans notre système de soins est délétère pour nos concitoyens et pour les finances publiques. En France, une personne de 65 ans peut tabler sur 10 ans en bonne santé, contre 16 ans en Suède, alors que nous sommes les champions de l’espérance de vie en Europe. Au-delà du désagrément généré, la perte d’autonomie prématurée représente un surcoût de dépenses de l’assurance maladie d’au moins 1 milliards d’euros par an.

De même, la téléconsultation/télémédecine, plébiscité pendant la crise, reste plafonnée à 20% de l’activité des médecins, par peur de dérapages financiers. Pourtant, nous calculons à l’Institut économique Molinari qu’elle permettrait d’économiser au moins 1 milliard d’euros par an si les contraintes administratives étaient levées et qu’elle se développait.

Économiser sur la prévention ou l’innovation est un choix perdant. Il faut cesser les approches comptables non qualitatives pour retrouver des approches économiques.

Cécile Philippe

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