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Vaccin : changeons nos règles absurdes au lieu de fustiger Sanofi

Des impôts de production trop élevés, des autorisations de mise sur le marché trop lentes et une bureaucratie trop importante. La France fait tout pour que l’innovation, notamment en matière de médicament, se fasse hors de ses frontières. Texte d’opinion par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publié dans Les Échos.

Le laboratoire Sanofi a récemment suscité la polémique à propos d’un vaccin qu’il développe pour lutter contre le coronavirus. On ne sait pas à l’heure actuelle si le vaccin sera une arme efficace contre Covid-19, mais cette polémique est révélatrice de l’incapacité française à évaluer de manière pragmatique les conditions de la création de richesse. Elle est aussi caractéristique d’un pays hostile au développement et au lancement des médicaments. Il nous faut, à l’inverse, freiner les interdits et faciliter les innovations.

Impôts de production délétères

Depuis le début de la crise du coronavirus, les autorités publiques françaises sont restées attachées à ce qu’elles savent particulièrement bien faire : réquisitionner, contrôler les prix, demander des autorisations, exiger des homologations. Tout cela prend du temps et se révèle particulièrement contre-productif quand il faut en fait créer rapidement les conditions d’une production accélérée de masques, de kits de tests, de traitements, de vaccins. Il faudrait, au contraire, être capable de payer cher ce dont on manque cruellement pour inciter les entreprises à déployer leurs capacités. Cependant de l’argent, la France en manque alors que dans le même temps, elle pratique une fiscalité et des déficits hors norme depuis des décennies.

C’est justement cette fiscalité qui étouffe nos capacités créatives. Entre 1978 et 2019, les recettes publiques sont passées de 43 % du PIB à 53 %, soit une hausse de 10 points. Pire, la France a n’a pas démantelé ses « impôts de production » . Calculés en amont du résultat, ils sont délétères pour le développement de notre société et son attractivité. Ces impôts constituent de véritables subventions aux exportations. Ils n’incitent pas à développer les vaccins en France. Ils sont évalués à plus de 75 milliards d’euros et les crédits d’impôt-recherche, qui s’élèvent à 6 milliards, font pâle figure.

Ces impôts ne constituent qu’une partie des désincitations à produire et développer en France . En effet, dans le domaine du médicament, où les essais cliniques constituent des étapes incontournables, les autorités publiques françaises – avec une nette amélioration dans le cadre de l’épidémie – délivrent en temps ordinaire les nombreuses autorisations nécessaires dans des délais beaucoup plus longs qu’ailleurs. La localisation de ces essais cliniques est pourtant déterminante pour positionner les nouveaux médicaments sur un marché et ensuite les produire.

Porter une partie du risque

De plus, la France – dont le système de santé est construit pour orchestrer une maîtrise comptable des coûts – rémunère moins bien qu’ailleurs les nouveaux médicaments. Si bien que les laboratoires ont intérêt à lancer leurs innovations dans d’autres pays, afin d’y bénéficier d’un prix plus élevé qui pourra servir de référence aux autres pays. Les délais d’accès en France sont en moyenne de 530 jours contre 106 en Allemagne et 111 pour le Royaume-Uni.

Il faut ajouter que le gouvernement américain a accepté de porter une partie du risque de l’échec du vaccin. On sait combien cela représente quand seule 1 molécule sur 10.000 sera au final commercialisée.

L’indignation au sujet de Sanofi est malvenue. Nous devrions plutôt accepter de voir ces réalités désagréables. A force de rendre l’innovation moins rentable et plus difficile chez nous, elle se fait ailleurs. Cessons de nous offusquer et changeons nos règles fiscales et réglementaires absurdes.

Cécile Philippe

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