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Plan pour l’emploi : cibler les emplois peu qualifiés en priorité

Texte d’opinion publié le 19 janvier 2016 dans L’Opinion.

François Hollande vient de préciser son « plan d’urgence pour l’emploi » face à des chiffres jugés intolérables avec un nombre de chômeurs en France qui frôle les 3,7 millions. La situation n’est pas nouvelle, le taux de chômage en France n’est plus passé sous la barre des 4,5 % de la population active depuis 1978. Il atteint aujourd’hui plus de 10 % et effectivement, il est temps de s’atteler au problème.

D’un bon fonctionnement du marché du travail dépend, à notre avis, la possibilité de réformer en profondeur les autres pans de l’économie. Or, après plusieurs décennies d’interventionnisme, on voit se succéder des demi-mesures qui ne prennent pas le sujet à bras le corps ni ne démontrent une compréhension des défis à l’œuvre. Prenons le cas emblématique du chômage élevé parmi les personnes les moins qualifiées que l’aide proposée de 2000 euros par an ne permettra pas d’endiguer.

Pourquoi le sujet est-il d’importance ? Parce qu’en France, l’absence de qualification n’est pas un sujet anecdotique. Comme l’a souligné Bertrand Martinot[[Martinot, Bertrand, Chômage : inverser la courbe, Les Belles Lettres, 2013.]], la France compte une proportion particulièrement forte d’adultes non diplômés, soit 30 % des actifs de plus de 25 ans. Or, comme le soulignent Sylvain Catherine, Augustin Landier et David Thesmar, « la composante la moins éduquée de la population active française subit aujourd’hui un taux de chômage voisin de 15 %, là où les actifs qui ont fait des études au-dessus du niveau du bac, font face à un taux de chômage nettement plus bas, voisin de 5 % et qui, de plus, a été peu affecté par la crise. »[[Catherine, Sylvain, et al., Marché du travail: la grande fracture, Institut Montaigne, 2015.]]

Une autre tendance de fond que ces auteurs soulignent à juste titre est celle de la transformation des emplois sous l’effet des progrès technologiques. On observe ainsi la disparition d’emplois facilement automatisables d’ouvriers et d’employés au profit d’emplois notamment de services à la personne plus précaires et moins bien rémunérés.

Ces emplois sont moins bien rémunérés car ils sont moins productifs et dans leur cas, une caractéristique du marché du travail français est particulièrement préjudiciable, celle de l’existence d’un salaire minimum élevé. Car la question n’est pas tellement qu’un salaire minimum existe (c’est le cas notamment de 21 des 28 pays de l’Union européenne) mais plutôt de savoir si son niveau n’entraîne pas le chômage de ces personnes non qualifiées, nombreuses en France.

Or, au cours des dernières décennies, le salaire minimum y a très fortement augmenté. Il est aujourd’hui l’un des plus élevés au monde avec un salaire minimum exprimé en fraction du salaire moyen de 61,5% en 2012[[Aftalion Florin, Le salaire minimum, Libréchange, 2014.]] quand il est inférieur à 50% aux Pays-Bas, en Angleterre, aux États-Unis et au Canada notamment.

Le niveau élevé du Smic vient de ce que le financement de la protection sociale passe par des charges sociales assises sur les rémunérations des salariés. Ces cotisations sont trop élevées pour ceux dont le niveau de productivité est le plus faible. C’est la raison pour laquelle des aménagements en ce sens ont été faits afin de réduire le coût de ces travailleurs au Smic. Depuis le début des années 1990, les pouvoirs publics ont mis en place des allègements de charges sociales qui ont bien fonctionné.

Il faut cependant aller plus loin, de sorte que les gisements d’emplois susceptibles d’être créés dans les services puissent l’être effectivement. Il faut que la réglementation du travail les rende viables en actant radicalement la baisse de charges au niveau du Smic. Sans être suffisante, cette mesure claire et simple permettrait de régler sans équivoque possible un problème du marché du travail français.

Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.

Cécile Philippe

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