Chômage en hausse : une seule solution, libérer le travail!
Texte d’opinion publié le 27 juin 2014 sur FigaroVox.
Les derniers chiffres du chômage sont tombés et ne sont pas bons. Après une augmentation déjà sensible du nombre de chômeurs recensés en avril, le chômage a connu une hausse brutale en mai avec 24 800 nouveaux inscrits à Pôle emploi dans la catégorie A (soit 0,7% de plus qu’en avril). Plus encore, sur un an, la hausse atteint 4,1%. Alors que Manuel Valls refuse tout fatalisme, le ministère du Travail dans un communiqué constate simplement que ces chiffres sont «le reflet d’une croissance plus faible que prévu au 1er semestre.» Faut-il encore croire à la méthode Coué et penser que le retour de la croissance permettra les embauches? N’est-il pas temps de comprendre que la croissance ne sort pas de nulle part mais qu’elle est, au contraire, nourrie par un système institutionnel porteur?
Le premier ministre attend beaucoup et sans doute trop du pacte de responsabilité car pour régler une bonne fois pour toute le problème du chômage en France, il faut cesser de penser que tout a été fait en la matière et, au contraire se remettre à l’ouvrage pour révolutionner le marché du travail et revenir au plein emploi. C’est d’autant plus important que c’est une condition nécessaire et préliminaire à la remise sur pied de l’économie française.
Évidemment, le gouvernement actuel peut revendiquer sa loi sur la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013. Elle s’attaque effectivement à certaines rigidités du marché du travail en autorisant l’entreprise à négocier avec les syndicats une baisse de salaire et/ou de la durée du temps de travail pour une période transitoire. On y trouve aussi des accords de mobilité interne et la possibilité pour l’entreprise de négocier avec les syndicats des plans sociaux soumis à un contrôle administratif plus rapide et plus ou moins sévère, selon qu’il y a eu accord collectif ou pas.
Cependant, au-delà des défauts qu’elle présente, elle n’a agi que sur un aspect du marché du travail, à savoir le niveau de protection de l’emploi. Or, la liste des atteintes portées par l’actuel droit du travail à la liberté contractuelle et à la liberté d’association est extrêmement longue. Age et durée légale du travail, salaire minimum, règles d’assurance chômage rigides, monopole de la sécurité sociale, charges sociales élevées, clauses du contrat définies à l’avance, aucune force obligatoire du contrat individuel, etc. Rien d’étonnant dans ces conditions à ce que le Forum économique mondial classe le marché du travail français en 116ème position sur 148 pays.
Conséquence, les employeurs rationnent les embauches et le chômage s’est installé durablement dans le paysage français. Le taux de chômage en France n’est plus passé sous la barre des 4,5 % de la population active depuis 1978, ce qui mine notre société. En 1993, Alain Duhamel mentionnait déjà le chômage dans les grandes Peurs françaises. Vingt ans plus tard, les choses n’ont pas changé. La peur du chômage reste une tendance lourde, avec son lot de conséquences sociales et psychologiques. Une grande partie des Français, convaincus que leur avenir est bouché, sont en proie à la peur du déclassement si bien décrite par le sociologue Eric Maurin.
Cette peur bloque tout. Comme le secteur privé se refuse à embaucher, personne ne peut vraiment faire le nécessaire pour rééquilibrer les comptes publics ou sociaux. Faute de geler les embauches de fonctionnaires, les déficits perdurent. De même, tout le monde hésite à équilibrer les comptes des retraites par répartition. L’allongement de la période d’activité est perçu comme un mauvais service pour les jeunes ayant des difficultés à trouver un job, ou pour ceux proches de la retraite ayant peur de perdre leur poste.
Un big-bang sur le marché du travail est clé pour résorber le chômage et pouvoir entamer un vaste programme de réformes. Si ce marché devient flexible et permet plus d’embauches que de licenciements, alors il sera possible d’aborder sereinement la réforme du financement de la protection sociale, la diminution de la taille de l’État ou encore la réforme de la fiscalité. Sinon, les chiffres du chômage continueront à se détériorer et les pouvoirs publics achopperont systématiquement dans leurs tentatives de réformer la France.
Donc plutôt que de parler réforme territoriale, réforme de la fiscalité, rabotage des budgets publics, on ferait mieux de reparler sérieusement de réformer le marché du travail en profondeur. En ce sens, le programme économique de François Fillon propose des mesures qui méritent attention.
Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.