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Répression vintage

Article d’Anne Lavaud publié le 5 octobre 2012 dans L’Argus de l’Assurance.

À l’heure où le gouvernement Ayrault annonce le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, les spécialistes sont formels : tout cela ne suffira pas. Une certitude chantée sur tous les tons par les économistes et les fiscalistes, mais jamais entonnée par les politiques. En effet, difficile d’admettre que les efforts demandés – et souvent cruellement ressentis par la population – seront au mieux insuffisants, au pire inutiles.

Mais l’État français, comme la plupart des autres États croulant sous les dettes, dispose d’une botte de Nevers (1), comme il se doit imparable : la répression financière. Cette notion un rien vintage, inventée en 1973 par les Américains Shaw et Kinnon, vient d’être remise au goût du jour par l’Américaine d’origine cubaine Carmen Reinhart, dans l’ouvrage écrit avec Kenneth Rogoff, intitulé « Cette fois c’est différent. Huit siècles de folie financière » (2).

L’économiste rappelle qu’il faut chercher l’origine de la répression financière dans les mesures prises après-guerre par les États afin d’orienter à leurs profits les fonds qui, en l’absence de réglementation, risqueraient d’aller ailleurs… dans le privé ou hors des frontières. Et voilà qui n’est pas sans ressembler aux « réglementations macro-prudentielles » mises en oeuvre pour « sauver » le système financier.

Bâle 3 tout comme Solvabilité 2 s’inscrivent parfaitement dans cette droite ligne, incitant les investisseurs institutionnels à détenir des obligations souveraines. Et que dire du doublement du plafond du livret A et du Livret de développement durable ? Là encore, la botte de Nevers fait mouche, puisque cet argent est confié à la Caisse des dépôts essentiellement pour acheter de la dette souveraine française !

Et l’effet est encore plus insidieux lorsque cette incitation réglementaire s’accompagne d’une stratégie de taux bas, voire de taux négatifs, doublée d’une légère reprise de l’inflation. En effet, dans ce cas, comme l’expliquent les deux auteurs, « la répression financière devient l’équivalent d’un impôt, c’est-à-dire un transfert d’argent des créanciers (épargnants) aux emprunteurs (l’État) ». Et certains observateurs s’empressent ainsi de citer Keynes qui prédisait, dans les années 30, l’Euthanasie des rentiers (3).

Notes

1. Les Trois Mousquetaires, Alexandre Dumas.

2. Cette fois c’est différent. Huit siècles de folie financière ; 2010 (en français) ; Pearson.

3. Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (The General Theory of Employment, Interest and Money) parue en 1936.

L’Institut économique Molinari

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