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La prétendue disparition des dépôts bancaires

Texte d’opinion publié le 26 juillet 2012 sur 24hGold.

À la suite de l’abaissement par l’Eurosystème des taux d’intérêt appliqués à ses opérations de politique monétaire, certains analystes ont fait état d’une prétendue disparition d’une partie des fonds que les banques avaient déposés sur la facilité de dépôt. Mais où ces fonds sont-ils donc passés? Répondre à cette question permet de revenir sur les différents types de comptes que les banques commerciales gardent auprès de l’Eurosystème.

Ces comptes sont au nombre de trois: le compte courant, le dépôt à terme, et la facilité de dépôt. Le compte courant auprès de l’Eurosystème est le dépôt bancaire par excellence. Toute banque est tenue d’en avoir un, et notamment d’y garder un minimum de liquidité qui correspond à la réserve minimale réglementaire. Celle-ci se calcule comme un pourcentage, présentement fixé à 1%, de la masse des dépôts émis par la banque commerciale (et donc détenus par ses clients).

Il peut fort bien arriver qu’une banque dispose de liquidités supérieures à la réserve minimale qui lui est requise. Si cette banque choisit de ne pas prêter cet excès de liquidité à une autre institution sur le marché interbancaire, elle peut toujours placer ces sommes à la banque centrale. Les deux autres comptes bancaires auprès de l’Eurosystème existent précisément pour offrir aux banques commerciales une alternative de placement pour leur excès de liquidité.

Si cet excès est considéré comme plus ou moins structurel, et donc durable, le dépôt à terme est le plus approprié. Il s’agit en effet d’un dépôt à une semaine – période pendant laquelle le montant déposé n’est plus accessible à la banque. Si la liquidité excédentaire est considérée comme un phénomène isolé et passager, la facilité de dépôt sera préférée. Elle fonctionne comme un second compte courant, à cela près qu’elle est rémunérée.

Ces clarifications permettent de comprendre ce qui s’est passé. En décidant de baisser les taux d’intérêt applicables depuis le 11 juillet 2012, l’Eurosystème a porté le taux de rémunération de la facilité de dépôt à 0%. Sans rémunération, la facilité de dépôt est devenue redondante. Voilà pourquoi, faute d’incitation financière, certaines banques ont décidé de virer leurs liquidités de la facilité de dépôt sur leur compte courant ordinaire. En conséquence, 484 milliards d’euros ont été déplacés d’un compte à l’autre, sans pour autant disparaître le moins du monde.

Une question subsiste pourtant: comment expliquer les quelques 212 milliards d’euros que les banques gardent sur le dépôt à terme? En réalité, le dépôt à terme est un instrument à la discrétion de la banque centrale qui lui sert à absorber l’excès de liquidité jugée systémique. Ces 212 milliards d’euro correspondent à l’excès de liquidité introduite dans le cadre du programme d’achat d’obligations d’État. De leur côté, les banques acceptent de renoncer à la disponibilité immédiate de ces fonds car elles sont compensées par une rémunération marginalement plus élevée, issue d’un processus d’enchères.

Finalement, les dépôts bancaires ne pourraient diminuer que si le système bancaire faisait face à une fuite de liquidité au niveau agrégé. Une telle fuite se produirait si la demande de billets augmentait, auquel cas les banques utiliseraient leurs dépôts à l’Eurosystème pour acquérir les billets demandés. Un autre cas possible serait celui où l’Eurosystème réduirait la taille de son bilan en diminuant son offre de liquidités. Aucune de ces éventualités ne s’est produite récemment.

Siméon Brutskus a vécu sa jeunesse à l’Est, avant de parfaire son éducation économique en France. Sa carrière d’enseignant-chercheur l’a conduit à s’intéresser à la théorie et politique monétaires, et au rôle qu’occupent les banques centrales dans la déstabilisation des systèmes financiers.

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