Les leçons du Canada pour réduire les dépenses publiques
Article de Richard Hiault publié le 12 juillet 2012 dans Les Échos.
Cheville ouvrière des réformes qui ont permis d’éliminer le déficit public canadien, Jocelyne Bourgon estime l’Europe capable de mettre en oeuvre des mesures similaires. Entretien.
Nombre de gouvernements la consultent. Le Royaume-Uni, l’Irlande ou encore la France. Pourquoi ? Parce que Jocelyne Bourgon, canadienne, est experte en matière de réforme de l’État. De 1994 à 1999, c’est sous sa direction que la fonction publique du Canada a opéré des réformes qui ont rétabli de manière spectaculaire les finances publiques du pays. Un succès indéniable. Après avoir culminé à plus de 8,5 % du PIB en 1983, le déficit public est devenu excédentaire vers le milieu des années 1990. Des excédents qui ont perduré pendant les quinze années suivantes avec, en contrepartie, une baisse de la dette publique rapportée au PIB. De passage à Paris, mardi, après avoir participé aux Rencontres économiques d’Aix, le week-end précédent, Jocelyne Bourgon, aujourd’hui présidente de Public Governance International, porte un regard sans complaisance sur l’expérience canadienne.
La réforme a été un succès incontestable. Mais les gouvernements qui ont suivi n’ont pas prolongé le mouvement, « à la différence de la Suède, qui a mieux réussi à gérer ses réinvestissements ». « Aujourd’hui, le Canada a autant de fonctionnaires qu’avant la réforme », observe-t-elle.
A l’heure où le débat fait rage en Europe sur l’opposition entre plus d’austérité budgétaire et plus de croissance, Jocelyne Bourgon estime que « c’est un faux débat ». Il est trop réducteur. Les variables d’ajustement sont bien plus nombreuses. Ce qui est sûr, à ses yeux, c’est que « les gouvernements ont une marge de manoeuvre. Il y a toujours un moyen d’obtenir de meilleurs résultats publics à un moindre coût pour la société. Réduire cette marge de manoeuvre au simple levier fiscal est trop étroit pour trouver une solution aux problèmes complexes auxquels on fait face au XXIe siècle ».
Assurer un traitement équitable
Mais il est dangereux de procéder aux seules coupes budgétaires uniformes pour tous les ministères. « C’est la solution de la médiocrité. » Mieux vaut se poser la question du périmètre d’intervention de l’État. Quelles sont les missions qu’il veut conserver et celles qu’il veut délaisser. « Au Canada, le spectre de l’évolution des dépenses par ministère est allé d’une réduction de 50 % à une hausse de 16 % avec une priorité pour la santé et l’éducation », détaille-t-elle. Les réformes sont d’autant mieux passées dans l’opinion publique que la majorité des Canadiens, à l’époque, était lasse des coupes budgétaires réalisées auparavant sans pour autant voir leur situation s’améliorer.
L’essentiel est d’assurer un traitement équitable à l’ensemble des citoyens. La preuve : « A l’époque, aucun ministre de l’Agriculture n’aurait survécu à l’abolition des subventions de son secteur. Cela n’a pas été la cas grâce à un ensemble de réformes où chacun contribuait à l’effort collectif. » Quant à l’Europe, Jocelyne Bourgon se veut optimiste. « Avec un montant d’épargne de deux ou trois fois le PIB et des milliers de milliards d’euros de capital disponibles, l’Europe a des actifs extraordinaires. Les capacités sont là. »