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Taxation suivant la nationalité : les Français de Belgique n’ont rien à craindre

Texte d’opinion publié le 16 mars 2012 sur le site de AFSCHRIFT Association d’avocats.

C’est une étonnante proposition que le président français a récemment formulée. Il a en effet émis l’intention, s’il est réélu, de taxer dorénavant les personnes de nationalité française qui auraient choisi d’aller vivre dans un autre pays, lorsque ce choix a été dicté par des considérations fiscales.

La proposition est d’abord étrange par son illogisme. À l’exception, certes notoire, des États-Unis, aucun État occidental n’utilise la nationalité comme critère de taxation.

Le système qui résulte de multiples traités internationaux est celui qui recourt exclusivement à la résidence comme critère d’imposition. C’est d’ailleurs parfaitement logique : dans la mesure où l’impôt est censé financer les services publics rendus sur un territoire, il est normal que les personnes vivant sur ce territoire, et elles seules, participent au financement de ces services.

C’est d’ailleurs pour cela que les personnes de nationalité étrangère, en France comme ailleurs, sont des contribuables comme les autres, dans le pays où elles résident. Il n’y a donc aucune raison d’utiliser la nationalité, qui, en soi, n’implique guère de droit envers l’État ni de prestations de celui-ci, comme critère de l’imposition.

De plus, la France a signé plus d’une centaine de conventions préventives de la double imposition avec de très nombreux pays dans le monde, y compris ceux (Belgique, Suisse, Angleterre, Luxembourg, Maroc) que les français choisissent habituellement comme nouveaux lieux de résidence. Ces conventions ne permettent pas à l’État français de taxer des résidents de ces pays en France, pour le seul motif qu’ils seraient de nationalité française.

De tels traités priment sur l’application de la loi française, qui ne pourra dès lors être appliquée aux résidents de ces pays, sauf s’ils sont renégociés. Mais les pays qui ont conclu de tels traités avec la France ne sont pas obligés d’en accepter la modification et n’y ont en réalité pas intérêt.

Enfin, on se demande bien comment l’administration fiscale française pourra repérer, parmi les deux millions de français qui ont quitté leur pays, ceux qui ont agi exclusivement pour des raisons fiscales, et les distinguer de ceux qui ont déménagé pour d’autres motifs, voire pour une combinaison de motifs fiscaux et autres.

Au 4ème siècle après Jésus-Christ, déjà, des Gaulois surtaxés par l’Empire romain quittaient leur pays pour franchir le « limes », qui séparait l’Empire des régions contrôlées par les Barbares, y compris des régions qui sont aujourd’hui en Belgique, au Luxembourg et en Suisse. L’Empire romain n’y a pas survécu…

Thierry Afschrift est avocat associé chez AFSCHRIFT Association d’avocats.

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