Le Fesf, sauvé par les banques centrales
Texte d’opinion publié le 17 novembre 2011 sur 24hGold.
Au cours de l’été et suite à l’élargissement des pouvoirs d’intervention du Fonds européen de stabilité financière (FESF), nous anticipions dans un article que sa solidité serait « sans doute rapidement mise à l’épreuve et testée par les marchés financiers ». À juste titre : c’est ce qui est déjà en train de se passer!
Alors que l’Italie a rejoint la Grèce sur la scène de la crise de la dette souveraine, le FESF devait, pour satisfaire les besoins de l’Irlande, émettre pour 3 milliards d’euros de dette à 10 ans.
Or, cette émission laisse penser que tout ne se déroule pas exactement comme prévu. En effet, les investisseurs ne se bousculent pas pour acheter les obligations du FESF, en dépit des garanties apportées en théorie par les États-membres afin de donner l’impression de sa solvabilité.
D’une part, cette émission a été reportée d’environ une semaine à cause de l’annonce du référendum grec et du désarroi suscité sur les places financières. On aurait pu croire que le FESF – présenté justement comme la solution aux futures crises de dette souveraines – servirait au contraire de valeur refuge. En réalité, il ne semble pas lui-même à l’abri de la tempête qui sévit, au point qu’on retarde d’y recourir.
D’autre part, si l’émission de 3 milliards d’euros d’obligations a finalement eu lieu le 7 novembre dernier, elle s’est déroulée dans des conditions relativement peu favorables.
En dépit de l’accord de réforme conclu par les dirigeants de la zone euro fin octobre pour augmenter la capacité d’intervention du FESF à mille milliards d’euros, celui-ci a dû payer des taux d’intérêt largement en hausse par rapport à sa dernière émission de juin dernier. Le taux est ainsi passé d’environ 2,8% à 3,6%, soit un surcoût de 22,7 millions pour une collecte de 3 milliards d’euros.
L’écart entre le taux payé par le FESF et le taux de référence (lié à l’obligation allemande) est monté en flèche, passant de 7 à 104 points de base (1,04%). Une telle augmentation signifie que même si le FESF est toujours noté AAA, les investisseurs perçoivent que sa dette se dégrade en comparaison de la dette allemande, au fur et à mesure que la situation de certains de ses principaux garants se dégrade elle-aussi : la France et bien sûr … l’Italie !
La situation est en fait bien pire. En effet, selon des informations dévoilées par Bloomberg, les investisseurs privés se sont faits tellement rares que, par exemple, les banques centrales ont dû se substituer à eux à hauteur de 35% de la dette de 3 milliards d’euros émise. En d’autres termes, sans leurs 1,05 milliards d’euros versés au FESF, celui-ci aurait eu du mal à placer sa dette et verser l’aide promise à l’Irlande. Alors que les Allemands s’opposent à ce que la BCE fait tourner la planche à billet pour financer le FESF, il vient paradoxalement déjà d’être sauvé de la sorte par ces banques centrales !
Valentin Petkantchin est chercheur associé à l’Institut économique Molinari.