France, La faillite ? – Les scénarios de crise de la dette – Des conseils pour protéger votre patrimoine
Article publié dans Le Cercle Les Échos le 23 mars 2011.
Il y a trois types de livres sur la crise. Ceux qui expliquent doctement que cette crise est bien la preuve qu’il faut en finir avec le capitalisme, le libéralisme, les riches, la spéculation, et qu’il faut « remettre l’économie au service de l’homme ». Ceux qui s’efforcent de démontrer que la crise est passée, que ce n’était d’ailleurs qu’un problème de confiance, que tout va bien, et que quoiqu’il arrive, « un État ne peut pas faire faillite ». Enfin, ceux, plus rares, qui exposent méthodiquement et objectivement les raisons et les développements de la crise.
Le livre de Philippe Herlin (EYROLLES, septembre 2010) fait partie de cette dernière catégorie. Avec un plan très didactique, l’auteur, chercheur en finance et enseignant au CNAM, analyse le chemin qui a amené l’État français vers le surendettement. Herlin décortique ainsi 35 ans d’hémorragie budgétaire, liste les mécanismes de dissimulation des déficits, et explique le fonctionnement des structures si discrètes d’amortissement de la dette (SAAD, CADES, ACOS…)
La force de ce petit ouvrage très accessible, est de revenir sur l’histoire de l’endettement, de préciser le rôle de l’agence France Trésor, de faire le chiffrage précis et décomposé de la dette, mais également de pointer les risques que l’État fait encourir à l’économie française, et les menaces très sérieuses que fait peser le surendettement sur la prospérité et la pérennité de notre société. Herlin dresse un réquisitoire sans appel de « l’économie Ponzi » dans laquelle s’enfonce lentement l’État depuis 30 ans.
Chiffres à l’appui, il analyse par exemple la question fondamentale de la maturité de la dette, en indiquant que depuis la crise de 2007, l’Agence France Trésor (AFT) a privilégié l’emprunt à court terme pour minimiser la charge de la dette, augmentant ainsi son exposition au risque. Ce choix va contraindre l’AFT à revenir plus souvent sur les marchés sous le couperet de la dégradation de la note des obligations françaises, rendant la capacité d’endettement de l’État français tributaires de l’évolution des taux d’intérêts. En effet, presque mécaniquement, quand une note baisse, les taux d’intérêts accordés à l’organisme noté montent, pour compenser le risque.
Herlin calcule ainsi que d’ici 2012, l’État va devoir lever sur les marchés 429 milliards d’euros, en plus des déficits budgétaires des deux prochaines années, soit (au rythme désormais de croisière de 100 milliards d’euros par an) plus de 600 milliards d’Euros. La moindre hausse des taux sur une telle somme alourdirait ainsi considérablement le poids déjà très lourd du remboursement des intérêts de la dette.
Devant ce portrait malheureusement bien sombre de la situation dans laquelle s’est embourbé l’État français (loin d’être une exception d’ailleurs), l’auteur propose 10 scénarios, en s’attachant pour chacun d’entre eux à aller au bout des fausses bonnes idées, et des vraies mauvaises solutions. Il montre bien la difficulté de démêler les enchevêtrements politiques, internationaux et monétaires, sans se réfugier derrière la complexité.
De l’appauvrissement général par l’inflation à la fuite en avant en créant de nouveaux filets de sécurité, comme le FESF (Fond Européen de Stabilité Financière), dont il est dur d’imaginer qu’ils supporteraient les poids additionnés de la France, l’Espagne, le Portugal, et/ou l’Irlande, il apparaît sans surprise que le salut ne viendra que d’une croissance revigorée notamment par des finances publiques assainies (et d’une réforme en profondeur du marché du travail). Certaines hypothèses, telles la demande d’aide à l’union européenne, ou l’auto-annulation de la dette sont très rapidement et justement balayées, dégonflant efficacement quelques baudruches parfois tenaces sur les plateaux télévisés.
Nous pourrions regretter le traitement un peu partiel de la dimension strictement monétaire qui mériterait un développement plus étayé, en particulier autour des mécanismes de création monétaire. La question des réserves fractionnaires des banques par exemple, permettant à celles-ci d’aspirer sans limite les émissions obligataires, et expliquant pour bonne part la spirale de l’endettement mériterait d’être travaillée avec la même précision que le reste des questions abordées dans l’ouvrage. De même, le rôle qu’a joué l’euro dans la capacité des États de la zone euro à s’endetter aurait mérité d’être analysé et de découvrir ainsi dans quelle mesure cette monnaie a déployé à grande échelle des effets pervers.
Il faut donc lire et offrir ce livre, pour comprendre la glissade des déficits publics et mesurer les marges de manoeuvre du gouvernement. Philippe Herlin ne propose aucune solution miracle, mais invite au réalisme, et plaide efficacement pour l’urgence du redressement de cap. En attendant, il vaut sans doute mieux acheter de l’or, et des chèvres.
Renaud DOZOUL, 34 ans, est architecte de formation. Il crée une agence à Paris en 2004 après avoir exercé pendant deux ans à Mexico. Il publie notamment en 2011 10 bonnes raisons de restaurer la Monarchie, aux éditions Muller, et travaille actuellement sur un ouvrage consacré aux fondements de la liberté en occident.