Museler la liberté d’expression sur Internet en France
Une version de cet article a été publiée dans Les Echos, le 4 mars 2008.
Internet a indiscutablement ouvert de nouveaux horizons pour la liberté d’expression. Cette liberté individuelle qu’il faut préserver a également sa raison d’être et son utilité économiques dans notre vie quotidienne.
Internet a indiscutablement ouvert de nouveaux horizons pour la liberté d’expression. Cette liberté individuelle qu’il faut préserver a également sa raison d’être et son utilité économiques dans notre vie quotidienne.
On trouve ainsi sur le site de la Fnac des évaluations d’écrans plats ; des livres sont aussi commentés et notés par les lecteurs sur celui d’Amazon et des cinéphiles peuvent dire ce qu’ils pensent d’un film ou de la prestation d’un acteur ou d’une actrice sur www.allocine.fr. Ces avis donnés par des internautes peuvent être une source appréciable d’information et peuvent nous aider à prendre nos décisions ainsi que trouver le bien ou le service qui correspond le mieux à ce que nous cherchons.
Imaginez maintenant que les auteurs de livres, les producteurs d’écrans plats, de films ou de n’importe quel autre bien ou service, mécontents des avis des utilisateurs et de leurs notes, décident de faire appel aux pouvoirs publics pour nous empêcher d’exprimer ce que nous pensons de leurs produits ou de leurs prestations ?
En plus de bafouer notre liberté d’expression, une telle décision aurait également des conséquences néfastes pour nos décisions économiques de tous les jours.
Elle nous priverait d’une source potentielle d’informations qui peut même dans certains cas s’avérer être la seule disponible pour nous éclairer dans nos choix.
Pire, en entravant la circulation de l’information dans la société, elle empêcherait les gens d’être mieux informés sur les inconvénients et les défaillances de tel ou tel produit ou service, affaiblissant par la même occasion la concurrence entre producteurs et prestataires.
Si personne n’a encore attaqué les différents sites pour avoir noté des écrans plats, des MP4 ou même des « biens culturels » comme les livres ou les films, il n’en est pas de même dans le domaine de l’éducation, où pourtant les parents ont terriblement besoin d’obtenir plus d’informations – et où parfois ils ne peuvent faire autrement que de choisir l’école de leurs enfants en fonction des rumeurs qui courent à leur sujet.
Un groupe de professeurs, appuyé par les syndicats d’enseignants, a en effet lancé une pétition et demandé aux pouvoirs publics leur « soutien pour obtenir la fermeture du site note2be ». Ce dernier offrait une plateforme aux élèves et aux parents d’élèves pour évaluer et noter le travail des professeurs dans les différents établissements en France. Une décision de justice vient d’y mettre fin, le 3 mars dernier, en ordonnant au site la suspension de « l’utilisation de données nominatives d’enseignants aux fins de leur notation et leur traitement ».
L’initiative avait aussi été condamnée par le ministre de l’Éducation, Xavier Darcos, précisant que les fonctionnaires de l’Éducation nationale seraient les seuls habilités à évaluer les enseignants. Mais que faire si en tant que parent vous n’êtes pas du même avis et que cette évaluation ne vous convient guère ? Cette autoévaluation ne serait-elle pas aussi inutile que si on donnait à une association d’écrivains l’exclusivité d’évaluer la qualité des livres en France et à une association de producteurs celle de noter les films projetés dans le pays ?
Les établissements scolaires, et les professeurs qui y enseignent, ont longtemps été protégés de la concurrence par la carte scolaire en France au détriment des parents qui n’avaient pas le choix. Maintenant que la carte scolaire n’est plus un tabou, les parents auront de plus en plus besoin d’informations pour faire, dans la mesure du possible, le meilleur choix d’école pour leurs enfants.
Dans plusieurs pays des sources indépendantes aident depuis longtemps les parents dans cette démarche, à l’image du Canada où par exemple un bulletin évalue la performance des écoles secondaires et établit un classement des établissements par province. Ainsi, la très large majorité des Québécois – plus des deux tiers – reste non seulement favorable à une telle publication, mais trouve qu’elle aide dans le choix de l’école et favorise la concurrence entre les établissements. Des palmarès existent par ailleurs aussi en France pour les grandes écoles et pour les lycées.
Des initiatives comme celle du site note2be s’inscrivent dans cette tendance. Elles fournissent une nouvelle opportunité sur Internet d’échange d’informations entre parents et élèves en France. N’oublions pas que ce sont eux qui sont les bénéficiaires directs des services d’éducation et qui en paient le prix fort quand celle-ci est mauvaise ou inadaptée !
C’est à eux – et non pas au tribunal, au Ministre, aux syndicats ou aux enseignants évalués – de décider par une adhésion et des visites régulières, si le site note2be apporte ou pas de la valeur ajoutée et s’il doit être fermé ou pas !
Valentin Petkantchin, directeur de la recherche, Institut économique Molinari