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La Commission européenne défend-t-elle l’économie de marché ?

Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.

Au-delà de la saga Microsoft elle-même, cet énième épisode montre surtout à quel point la politique antitrust de la Commission européenne est en porte-à-faux avec l’instauration d’une véritable « économie de marché ouverte » au service des consommateurs, économie dont la Commission se présente pourtant comme gardienne.

Au printemps dernier la Commission européenne a menacé Microsoft d’une nouvelle amende journalière. Suite à sa condamnation en mars 2004 pour abus de position dominante, le géant de l’informatique devait en effet « divulguer une documentation complète et précise sur les interfaces dans des « conditions raisonnables et non discriminatoires », pour assurer une parfaite interopérabilité entre les serveurs de groupe de travail d’une autre marque et les PC et serveurs Windows ». Les prix des licences proposées par Microsoft étaient pointés du doigt dans la « communication des griefs » provenant de la Commission. Ces prix ne seraient pas « raisonnables ».

Au-delà de la saga Microsoft elle-même, cet énième épisode montre surtout à quel point la politique antitrust de la Commission européenne est en porte-à-faux avec l’instauration d’une véritable « économie de marché ouverte » au service des consommateurs, économie dont la Commission se présente pourtant comme gardienne[[Cf. la présentation de la politique de la concurrence sur le site de l’Union européenne: Tour d’Horizon des Activités de l’Union européenne – Concurrence.]].

Une économie de marché ouverte – où il n’y a pas d’interdiction légale pour de nouveaux concurrents d’entrer dans le secteur ou niche de leur choix – est effectivement le meilleur arrangement institutionnel que les citoyens européens peuvent espérer en tant que consommateurs car elle ne laisse pas d’autre choix aux producteurs pour prospérer que de les servir au mieux. Dans une économie libre, chacun est en droit d’accepter ou de refuser de faire un échange à tout prix proposé et de reporter ses dépenses sur d’autres biens. Les prix de tous les biens y sont libres, déterminés de manière décentralisée. C’est la libre concurrence.

Ainsi, plus les consommateurs sont prêts à payer pour un bien plutôt que pour un autre, plus il devient rentable pour les producteurs de répondre à cette demande en priorité. C’est ainsi que les consommateurs peuvent conduire le processus et faire en sorte que les ressources soient allouées au plus près de leurs besoins prioritaires.

Malgré sa supposée dévotion pour une « économie de marché ouverte », la Commission européenne considère qu’elle est en position de dire qu’un prix est trop élevé ou non. La Commission croit donc à une détermination centralisée du prix. Mais quand le « mécanisme » de la libre concurrence est ainsi contourné, les consommateurs perdent la maîtrise du processus. Le contrôle de prix fige alors la production sans égard pour leurs besoins prioritaires.

La Commission substituant un régime de prix administrés au système des prix libres, elle doit bien trouver quelque critère justifiant son jugement sur le caractère plus ou moins adéquat du prix des licences de Microsoft. La documentation proposée sous licence serait trop chère parce que « les informations sur l’interopérabilité ne contiennent pas d’innovations significatives »[[La Commission menace Microsoft de nouvelles sanctions pour pratique de prix excessifs en l’absence d’innovations significatives dans les informations sur l’interopérabilité, Communiqué de presse IP/07/269, 1er mars 2007.]]. Mais la valeur qu’attachent les clients de Microsoft et finalement les consommateurs à de tels services ne dépend pas nécessairement de leur caractère plus ou moins innovant.

Des recettes de cuisine anciennes peuvent demeurer valorisées par des gastronomes tandis que des gadgets entièrement nouveaux peuvent être sans intérêt pour quiconque. Ce qui fait la valeur d’un bien n’est pas son caractère plus ou moins nouveau en tant que tel mais sa capacité à rendre service. Substituer de tels critères ad hoc de détermination d’un prix à la révélation des préférences de millions de gens par leurs achats et refus d’acheter relève de la même prétention non fondée que celle qui animait jadis les dirigeants de l’URSS.

Avec de tels contrôles de prix, un coup est porté à l’économie de marché libre et aux consommateurs. Mais le coup de force est plus profond encore qu’il n’y paraît. Quand chacun est en droit d’accepter ou de refuser tout échange quels qu’en soient les termes, personne n’est obligé de vendre quoi que ce soit. Or, la Commission veut aujourd’hui contrôler les prix d’une licence dont elle a préalablement forcé la vente. Ceci relève de l’expropriation et non de la défense d’une économie de marché ouverte.

Forcer des firmes à partager leurs secrets industriels envoie un double-signal aux producteurs : « ne développez pas vos connaissances, ce sont d’autres qui en profiteront à votre place et, de toute façon, vous pourrez profiter de celles des autres ». Par conséquent, tout le monde est incité à compter sur autrui. L’investissement et la production sont alors restreints et les prix montent, au détriment des consommateurs.

L’obligation pour Microsoft de brader ses secrets est un dangereux précédent. En empruntant cette voie, la Commission européenne nous éloigne d’une économie de marché libre et sacrifie par là-même les intérêts des consommateurs.

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