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Au-delà de la liberté de choix de l’école

Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.

La « carte scolaire » a été dernièrement critiquée, aussi bien à gauche qu’à droite. Certes, cette liberté est importante en soi, mais ce qui n’a pas été suffisamment souligné est le fait que cette suppression peut aussi laisser la place à une concurrence entre écoles, bénéfique pour les élèves.

La « carte scolaire » a été dernièrement critiquée, aussi bien à gauche qu’à droite. Ségolène Royal s’est prononcée pour son « desserrement ». Dominique de Villepin serait aussi favorable à sa réforme, alors que Nicolas Sarkozy s’était ouvertement déclaré pour sa suppression afin de redonner la liberté de choix aux parents.

Certes, cette liberté est importante en soi, mais ce qui n’a pas été suffisamment souligné est le fait que cette suppression peut aussi laisser la place à une concurrence entre écoles, bénéfique pour les élèves. Pour cela il faudrait que l’État laisse réellement la liberté et l’autonomie aux chefs d’établissements (publics et privés) pour adapter et diversifier l’offre d’éducation.

Dans sa forme actuelle la carte scolaire – appelée en jargon bureaucratique la sectorisation – date de 1963. Elle a été mise en place à l’époque pour réaliser une certaine « mixité sociale ».

Mais au-delà de cet objectif, la carte scolaire représente en réalité un outil de planification « à la soviétique » pour gérer et répartir géographiquement non seulement les élèves, mais aussi les moyens financiers, les enseignants, etc. Et dans cet effort de planification, l’État a supprimé la liberté de choix des parents en leur imposant, selon le lieu de résidence, un établissement auquel ils sont obligés d’envoyer leurs enfants.

La carte scolaire a cependant plusieurs effets pervers.

D’une part, elle fait effectivement fi des préférences des élèves et de leurs parents qui sont pourtant censés être les ultimes bénéficiaires de cette éducation. Il s’agit d’une situation complètement en porte-à-faux avec l’idée que les établissements scolaires doivent être au service des élèves et de leurs parents.

Les parents ont généralement le souci d’investir dans l’avenir de leurs enfants et essaient en conséquence de trouver le meilleur établissement possible pour eux. Or, la carte scolaire ignore cette réalité en les poussant à la contourner par toutes sortes de stratagèmes quand l’établissement imposé par l’État va à l’encontre de leur choix : système de boîte à lettre sans adresse réelle, déclaration de babysitters fictifs qui habitent près de l’établissement visé, etc. Plusieurs familles mêmes n’hésitent pas à déménager afin de mettre leurs enfants dans les établissements souhaités.

D’autre part, la carte scolaire élimine aussi la concurrence entre établissements scolaires. Assurés d’une « clientèle captive » constituée par les élèves habitants dans le secteur géographique désigné, le financement des écoles dépend essentiellement de leur nombre que du succès qu’ils rencontrent auprès des parents. De toute façon, ces derniers sont théoriquement obligés d’y envoyer leurs enfants.

En éliminant ainsi la nécessité d’attirer les élèves, la carte scolaire diminue les incitations pour les établissements à améliorer leurs prestations: proposer de nouvelles formations, trouver de meilleurs moyens pédagogiques et des méthodes d’apprentissage plus efficaces. L’effet de la concurrence entre établissements scolaires est d’autant plus inexistante que la grande partie des écoles privées (conventionnées) ne sont pas autonomes et restent aussi sous le contrôle de l’Etat, par exemple, en ce qui concerne leurs programmes ou le recrutement des enseignants.

Dans ce contexte la crainte, comme l’a bien résumée un élu lyonnais dans Le Monde en date du 12 septembre dernier, est que « si nous laissons le choix aux parents, dans certaines écoles il y aura plus de demandes que d’offres. (…) Ce qu’il faut c’est donner envie aux familles de rester dans leurs écoles de quartier ».

Mais la carte scolaire est-elle réellement le moyen permettant à l’offre de répondre à la demande ? Pourquoi dans la même logique ne nous oblige-t-on pas à acheter notre pain dans la boulangerie de quartier ? Comment cela se fait-il qu’on soit tout de même bien servi en absence d’une « carte du pain », par laquelle l’État attribuerait une boulangerie de quartier obligatoire à chaque citoyen ?

En réalité, pour que l’offre puisse s’adapter à la demande il est indispensable que les chefs d’établissements scolaires publics et privés aient la liberté et l’autonomie dans le choix de leurs programmes, dans la mise en place de nouvelles formations et dans le recrutement de leurs enseignants.

Il faut aussi revenir ultimement à un système où le financement dépend directement de la capacité des écoles à attirer les élèves. Dans un tel contexte, les chefs d’établissements seraient davantage en mesure de satisfaire efficacement la demande en agrandissant leurs locaux, en embauchant davantage de personnel afin d’accueillir plus d’élèves.

Plus important encore : les écoles à succès pourront servir de modèles pour l’ouverture de nouveaux établissements là où il y en a besoin, et pour les établissements existants qui ne tarderaient pas à les imiter pour répondre à leur tour à la demande. Les mauvais établissements – comme les mauvaises boulangeries – seraient obligés soit de s’adapter, soit de fermer faute d’élèves.

Supprimer la carte scolaire nous ramènerait à une situation où les parents ont le choix de l’école de leurs enfants et sont davantage susceptible de récompenser les bons, et de sanctionner les mauvais, établissements. Mais pour profiter pleinement de cette liberté de choix, il faut aller plus loin en déréglementant complètement l’offre d’éducation.

Valentin Petkantchin, Institut économique Molinari

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