100 ans de retraites, de la capitalisation à l’endettement des générations futures
Brève publiée le 15 avril 2010 sur le site du Journal du Dimanche.
En matière de retraites trois dates permettent de cerner l’évolution de nos pratiques et la montée des risques associés au vieillissement : 1910, 1945 et 2005.
1910, c’est la date de la loi sur les retraites et paysannes. À l’époque, les pouvoirs publics veulent contraindre les ouvriers et paysans à capitaliser en vue de la retraite. Une partie de la gauche s’y oppose au motif que le texte oblige les employés à cotiser en vue d’une hypothétique retraite à 65 ans, âge auquel nombre d’ouvriers et de paysans seront morts. D’autres, réunis autour de Jean Jaurès, fondateur du Parti socialiste français, voient dans la capitalisation l’opportunité de donner plus de pouvoir aux ouvriers et paysans qui, actionnaires, contrôleraient une partie de l’économie.
1945-46, c’est la mise en place de la répartition dans le secteur privé. Exit le capital. La retraite n’est plus une question d’épargne puisque les pensions seront distribuées grâce aux cotisations prélevées sur les actifs. Introduite dans les faits en droit français dès 1941, la répartition offre l’avantage politique de permettre de distribuer immédiatement des pensions. Elle rend plus tolérable la situation de générations de rentiers et petits rentiers, ruinés par la politique monétaire des pouvoirs publics français. Ces derniers, faute de pouvoir honorer leurs dettes, avaient cédé aux sirènes de l’inflation, réalisant « l’euthanasie des rentiers » chère à Keynes. À l’époque, la natalité était favorable, les pensions et l’espérance de vie étaient plus faibles qu’aujourd’hui. La répartition apparaissait la solution idéale même si certains ne manquaient pas de rappeler que le vieillissement était inéluctable…
2005, c’est le contre choc du Baby boom, avec le départ à la retraite des générations de l’après-guerre. Comme prévu la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) devient incapable d’équilibrer son budget. Elle cesse de fonctionner intégralement en répartition puisque les cotisations prélevées sur les actifs ne permettent plus de financer intégralement les prestations retraite. On inaugure une nouvelle ère, avec une répartition des dettes sur les générations futures. Le risque étant de leur faire supporter une « charge indue », comme l’expose la Cour des comptes dans son dernier rapport.
De moins en moins de capital, de plus en plus de dettes. Si rien ne change, l’avenir des retraites sera encore plus sombre qu’en 1945-46. À cette époque, la natalité et la croissance redémarraient, le chômage était faible et les bénéficiaires de la répartition se contentaient de pensions modestes. Aujourd’hui la situation est radicalement différente. Le chômage et les déficits n’ont jamais été résorbés depuis une trentaine d’années et nombre de français n’ont pas eu l’opportunité de se constituer une épargne retraite. Faute de réformes profondes, qui libéreraient l’activité et le marché du travail, il est à craindre que le niveau de vie des retraités ne cesse de se dégrader.
Nicolas Marques est chercheur associé à l’Institut économique Molinari.
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