Un PLFSS qui tourne le dos aux enjeux d’avenir
Nicolas Marques esquisse une réforme ambitieuse, fondée sur une planification pluriannuelle et une gouvernance dépolitisée, pour sauver la santé et les retraites avant la rupture.
Ses solutions : miser sur la prévention, la concurrence et la capitalisation collective pour concilier solidarité, innovation et équilibre financier.
Une interview de Jonathan Icart publiée dans la revue Pharmaceutiques de décembre 2025
Le PLFSS 2026 impose une cure d’austérité aux différents acteurs du système de santé… sans réelles perspectives de long terme. Que vous inspire ce texte ?
Le PLFSS repose traditionnellement sur deux grands piliers : la maîtrise comptable et les transferts de charges. Il incarne cette logique de courte vue qui domine la régulation des dépenses sociales, mais aussi cette incapacité chronique de penser le temps long. Conçu pour contenir les coûts, ce texte ignore les enjeux structurels, tels que le vieillissement démographique, qui fragilise les grands équilibres de la Sécurité sociale. Les décisions sont prises sans lendemain, comme la suspension de la réforme des retraites, qui va entraîner un surcoût de 1,8 milliard d’euros pour les caisses de retraite et de 3 milliards d’euros pour les finances publiques en 2027. Ce choix budgétaire va accroître les déficits publics et réduire les marges de manœuvre pour couvrir les besoins de santé ou de dépendance.
Vous évoquez régulièrement la nécessité de « redécouvrir le calcul économique » et de mettre en place des gouvernances de temps long. Quelles sont vos propositions pour mieux orienter les choix budgétaires ?
Les pouvoirs publics raisonnent en annualité budgétaire, ce qui favorise le curatif au détriment du préventif, notamment dans le domaine de la santé. Cette stratégie se traduit par des arbitrages court-termistes. Résultat : numerus clausus, pilotage par les prix et baisse des tarifs entraînent une pénurie de professionnels, une perte d’innovation et un désintérêt des industriels pour la France. La crise du Covid illustre ce retard, avec des vaccins développés ailleurs. Centrée sur la comptabilité de caisse, la Sécurité sociale fait fi de la dimension patrimoniale. Elle oublie l’humain et préfère piloter par les « charges et produits », alors que les bons indicateurs devraient être les années de vie en bonne santé ou la création de richesses non fiscales au service des retraites. Il faut sortir de cette annualité budgétaire et basculer vers une approche pluriannuelle qui intégrerait des actuaires pour améliorer le rapport qualité-prix des prises en charge et la soutenabilité de la protection sociale.
Vous plaidez pour l’introduction d’une dose de capitalisation collective dans le financement des retraites et de la santé. Est-ce une solution viable pour desserrer les contraintes budgétaires ?
Les retraites reposent quasi exclusivement sur un mode de répartition où les actifs financent directement les pensions. Avec moins d’actifs, il faut augmenter les cotisations, ce qui impacte le pouvoir d’achat, affecte la compétitivité et provoque des déficits récurrents. La capitalisation est moins coûteuse : une cotisation initiale, investie dans des fonds de pension, génère des dividendes et des plus-values. Une part importante des retraites pourrait ainsi être autofinancée, ce qui permettrait notamment de desserrer les contraintes budgétaires et de réduire les prélèvements obligatoires. La capitalisation retraite représente seulement 13 % du PIB en France, contre 92 % en moyenne dans l’OCDE. Un niveau qui nous permettrait de dégager 80 milliards d’euros par an…
Comment maîtriser la hausse progressive des dépenses sociales sans nuire aux principes de solidarité et d’universalité ?
Il faut redéfinir le périmètre entre les régimes obligatoires et complémentaires, et rompre avec la logique monopolistique du régime général. Un système inspiré des Pays-Bas, avec un panier de soins défini par un régulateur mais mis en œuvre par plusieurs acteurs dans une logique assurantielle et mutualiste, favoriserait l’innovation et la coopération. Il faut également investir massivement dans la prévention pour gagner des années de vie en bonne santé. Concernant les retraites, la capitalisation collective devrait être généralisée sur le modèle des fonctionnaires ou des pharmaciens et la gouvernance du régime général confiée aux partenaires sociaux, qui ont prouvé leur efficacité avec l’Agirc-Arrco. L’Etat devrait se recentrer sur un rôle prudentiel et provisionner les promesses de retraite faites aux fonctionnaires, à l’image de ce que font la Banque de France ou le Sénat.
Dans un contexte marqué par le vieillissement, la chronicité et la pénurie, comment favoriser les innovations dans le secteur pharmaceutique ?
Le pilotage des dépenses de santé doit intégrer une vision économique durable qui dépasse le coût immédiat des médicaments ou des dispositifs médicaux, dont le rapport coût-bénéfice doit être valorisé sur plusieurs années. La prise de risque entrepreneuriale et les économies de long terme doivent être intégrées dans la réflexion, loin des caricatures sur les prétendues « rentes ». Une pression excessive sur les prix rend les acteurs nationaux moins créatifs et dissuade les entreprises étrangères qui préfèrent introduire leurs innovations dans des pays leur permettant d’amortir les coûts de développement. Décourager



