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Pour une maîtrise durable et responsable des dépenses de santé

La France investit beaucoup moins dans la prévention que ses voisins. Et ce pour une raison simple qui tient aux méthodes de gestion de la Sécurité sociale. Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Échos.

Nos politiques sont aux abois. Il faut coûte que coûte trouver de nouvelles ressources pour combler des déficits sociaux qui, en dépit de très nombreux plans de redressement, n’en finissent pas de se creuser. Et faute d’obtenir des ressources, les pouvoirs publics veulent maîtriser les dépenses de santé en contrôlant plus strictement les soins fournis aux malades. Le dernier projet de financement de la Sécurité sociale ne fait pas exception et contient son lot de rabotages qui accentuent chez les Français le sentiment d’un système public à la dérive aux mains de comptables froids. Cela ne pourra pas régler le problème qui réside avant tout dans l’absence de comptabilité patrimoniale à long terme.

Depuis sa mise en place en 1945-46, le régime obligatoire d’assurance-maladie a trouvé sa justification auprès des Français parce qu’il permettait une égalité de tous en santé et un financement public de tous les soins dont ils pouvaient avoir besoin. Cette promesse est de moins en moins bien tenue auprès d’une population au sein de laquelle le poids des plus de 65 ans est passé de 11 à 22 %. Déserts médicaux, allongement des délais de prise en charge, multiplication des déremboursements, retard dans l’accès aux innovations sont devenus les symptômes criant d’un monopole en déclin.

La Sécu ne sait pas compter à long terme

Nombre de raisons sont invoquées. Celle de la fraude sociale fait recette, car elle invoque un bouc émissaire extérieur au système qui l’exonère de toute remise en cause. Or, force est de constater qu’il souffre d’un handicap majeur : la Sécurité sociale est la championne de l’annualité comptable. Ses outils de base sont le contrôle des prix et des quantités. Conçus pour limiter la progression des dépenses à court terme, ils conduisent à rationner les investissements à plus long terme qui grâce à des innovations technologiques et organisationnelles permettraient justement de générer des économies.

La Sécurité sociale raisonne en comptabilité de caisse, ce qui conduit à sous évaluer la prévention et privilégier le curatif et rend toute maîtrise des dépenses illusoire.

La Sécurité sociale raisonne en comptabilité de caisse, ce qui conduit à sous évaluer la prévention et privilégier le curatif et rend toute maîtrise des dépenses illusoire. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon Eurostat, la France a dépensé 110 euros par personne en prévention en 2023, un tiers de moins que la moyenne de le zone euro et quasiment trois fois moins que l’Allemagne ou les Pays-Bas.

Il manque une comptabilité long terme du « patrimoine santé »

En santé comme en retraite, la comptabilité patrimoniale est la grande absente. Il devrait y avoir à la Caisse nationale d’assurance-maladie des actuaires capables de tenir une comptabilité donnant une place centrale à l’espérance de vie en bonne santé. Cela éviterait à la France de mégoter sur l’introduction d’une série d’innovations permettant de mieux prévenir ou dépister, et ainsi réduire les dépenses curatives qui n’ont malheureusement pas le même succès en santé que les méthodes préventives.

Raisonner en annualité conduit à sous dimensionner les dépenses de prévention – qui selon une logique d’investissement – sont en réalité des sources d’économies. L’innovation mise au service de la prévention en santé peut transformer la manière dont nous abordons la santé et le bien-être, en passant d’un modèle réactif à un modèle proactif et préventif.

Mieux gérer le temps long permettrait d’éviter nombre d’écueils et de réconcilier les Français et leurs praticiens avec leur Sécurité sociale. Sa promesse est de protéger contre les aléas de la vie, pas de rationner les moyens d’y remédier.

 

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