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Retraites, la stratégie du bouc émissaire a bon dos

Non, les retraités ne vivent pas mieux que les actifs en France. Au lieu d’attiser l’opposition intergénérationnelle par de fausses affirmations, il serait plus sage de favoriser l’épargne-retraite. Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Échos.

Sur nombre de sujets complexes, il est plus facile de pratiquer la stratégie du bouc émissaire que de trouver et prendre des décisions collectives qui emportent l’adhésion de tous, y compris quand des solutions créatrices de richesse existent. Le cas des retraites est emblématique puisque pour justifier de nouvelles hausses d’impôts, il suffirait pour certains d’accuser nos seniors d’être des nantis. Outre l’inexactitude de cette affirmation, la solution fiscale n’est qu’un pis-aller et le clivage entre les générations n’est pas sans risque sur le niveau de tolérance nécessaire au vivre ensemble.

Le sujet retraite ne quitte pas la scène, en particulier en cette période de discussion budgétaire. Depuis la fin du baby-boom, les retraites par répartition expliquent près de la moitié de la hausse des dépenses publiques et des déficits. Les comptes auraient été encore plus dégradés sans les ajustements mis en oeuvre pour réduire les déséquilibres financiers liés au choc démographique.

La question est de savoir où puiser sans que cela apparaisse injuste. Rien de plus facile que de cibler nos seniors accusés régulièrement de vivre mieux que les actifs.

Pouvoir d’achat en baisse

Cette affirmation est fausse depuis dix ans. Selon les dernières données de l’Insee, en 2023, les retraités avaient un niveau de vie 11 % inférieur aux actifs en emploi et 9 % inférieur lorsqu’on intègre les sans-emploi. Le pouvoir d’achat des retraités baisse en lien avec une réforme majeure passée sous silence mais payée par nos aînés, à savoir la décision en 1987 d’indexer les retraites sur l’inflation et non pas sur les salaires. En y ajoutant quelques autres mesures discrètes comme la baisse des rendements du point à l’Agirc-Arrco ou le gel du point d’indice dans la fonction publique, cela permet à la France d’économiser plusieurs points de PIB en rabotant les retraites. Des projections évaluent l’économie à plus de 6 points de PIB d’ici 2060.

Vouloir les taxer toujours plus au nom d’un écart de pouvoir d’achat inexistant relève d’une vision comptable cynique.

Donc, non seulement les retraités ne sont pas des nantis, mais ils sont déjà pénalisés par un système par répartition de moins en moins généreux. Vouloir les taxer toujours plus au nom d’un écart de pouvoir d’achat inexistant relève d’une vision comptable cynique. Pratiquée depuis déjà trop longtemps, elle nous éloigne des solutions vertueuses et bonnes pour tous qui consistent à développer l’épargne-retraite en généralisant la capitalisation collective dans le privé et en provisionnant les retraites de la fonction publique.

Sous-développement de la capitalisation

Le sous-développement de la capitalisation représente un manque à gagner annuel de 2,4 points de PIB. L’épargne-retraite des pays de l’OCDE représente 92 % du PIB alors qu’elle n’est en France que de 13 %, soit un retard de 79 % du PIB. C’est ce retard qu’il faut combler et en aucun cas celui d’une injustice sociale qui serait commise par les « vieux ».

Opposer les générations entre elles sur des bases fallacieuses crée un problème supplémentaire. Cela réduit nos capacités collectives de trouver des solutions acceptables par tous et donc susceptibles de conforter le ciment nécessaire au vivre ensemble. Comme l’écrivait le philosophe Isaiah Berlin, « le mieux que l’on puisse faire, comme règle générale, c’est de maintenir un équilibre précaire qui empêchera l’occurrence de situations désespérées, de choix intolérable. » Donc plutôt que d’attiser l’opposition intergénérationnelle, généralisons la capitalisation collective, une solution humainement décente.

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