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Relancer l’innovation en Europe en développant l’épargne et les capitaux longs

Cette nouvelle évaluation du manque d’épargne en Europe explique le retard de l’Union européenne en matière d’innovation et l’absence de leader dans la tech. Il faut généraliser les fonds de pension dans toute l’Europe pour combler ce déficit.

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LE DEFICIT D’EPARGNE LONGUE EUROPEEN SE LIMITE-T-IL A 300 MILLIARDS?

Le retard européen pourra-t-il être résorbé avec les plans d’action mis en oeuvre par la Commission européenne et les différents pays européens, visant notamment à mieux réallouer l’épargne pour financer l’investissement productif ?

Rien n’est moins sûr car, à défaut de changements structurels, il sera impossible de rattraper le retard qui s’est accumulé. Si l’ampleur du déclassement européen ne fait pas débat, si l’importance de l’épargne est fréquemment soulignée, il est à craindre que la réponse européenne soit très en deçà des enjeux, en raison d’une mauvaise évaluation du déficit européen d’épargne longue.

Selon le gouverneur de la Banque de France « nous ne manquons pas de capital, mais nous manquons de marchés de capitaux et de façon générale d’intermédiation financière qui est beaucoup plus forte aux États-Unis »(1). En marge du forum de Davos, François Villeroy de Galhau considérait, il y a quelques semaines, qu’« il est temps d’actionner les leviers que nous avons en Europe » pour investir en mettant en avant « une ressource dont on ne parle jamais : l’épargne privée ». Selon lui, celle-ci serait particulièrement « abondante » mais ne profiterait pas assez aux entreprises européennes : « il y a 300 milliards d’euros d’épargne des Européens qui vont s’investir hors d’Europe, et d’abord aux Etats-Unis », a-t-il souligné. « Récupérons ces 300 milliards pour faire face aux besoins d’investissement que nous avons en Europe » (…) Utilisons nos atouts », a-t-il lancé.

A la lumière de l’évaluation des enjeux économiques, ce chiffre de 300 milliards, repris à l’unisson par plusieurs dirigeants européens(2), peut paraitre notoirement sous-évalué, voire anecdotique.

A titre d’illustration, les besoins supplémentaires d’investissement sont estimés à plus de 750 milliards d’euros par an entre 2025-2030 dans le rapport Draghi(3) – dont 450 milliards pour la transition énergétique(4) et près de 300 milliards par an pour combler le retard dans le digital et la productivité – et les besoins de réarmement de l’Union européenne sont chiffrés à 800 milliards(5). A cela s’ajoutent les chantiers nationaux, avec par exemple une relance du nucléaire français évaluée à 80 milliards d’euros(6) ou la remise à niveau des infrastructures allemandes évaluée à 500 milliards(7).

Dans sa Boussole de l’UE pour regagner en compétitivité et garantir une prospérité durable, la Commission met en avant l’enjeu que représente un meilleur financement de la compétitivité. Elle souligne que « L’UE manque d’un marché des capitaux efficace capable de transformer l’épargne en investissements ». D’où le projet visant à mettre en place une Union Européenne de l’épargne et des investissements(8) dans le but de « créer de nouveaux produits d’épargne et d’investissement, d’encourager les investissements en capital-risque et de garantir que les investissements circulent sans discontinuité dans toute l’UE »(9).

Mais cette approche risque d’être très en deçà des besoins, en raison d’une sous-évaluation caractérisée des enjeux. Comme le montre ce travail, le déficit réel d’épargne longue est, en effet, sans aucun rapport avec les ordres de grandeur habituellement mis en avant.

Notes

  1. Paul Louis, « Le gouverneur de la Banque de France appelle à mobiliser l’épargne privée pour permettre à l’UE d’investir », janvier 2025, consulté le 11 mars 2025.
  2. Par exemple, Enrico Letta, « Much more than a market, Speed, Security, Solidarity Empowering the Single Market to deliver a sustainable future and prosperity for all EU Citizens », avril 2024, p. 147.
  3. Mario Draghi, « The future of European competitiveness, part A & B », Bruxelles, European Commission, 2024, p. 69 et 328.
  4. Ce qui constitue potentiellement une fourchette basse. Les besoins supplémentaires de financement liés à la recherche de la neutralité carbone sont évalués entre 410 et 620 milliards en Europe selon François Villeroy de Galhau, « Quel financement de la transition : bâtir les ponts entre les besoins et les ressources », lors de la rencontre Les Rencontres de l’Institut de la Finance Durable, Paris, 22 avril 2024, consulté le 14 mars 2025.
  5. Fabienne Schmitt, « Guerre en Ukraine : l’Europe dévoile un plan à 800 milliards pour muscler sa défense », mars 2025, consulté le 14 mars 2025.
  6. Georges Sapy, « Pourquoi la France doit absolument pérenniser son choix historique de l’énergie nucléaire », Paris-Bruxelles, Institut économique Molinari, février 2025, p. 20.
  7. Emmanuel Grasland, « Guerre en Ukraine : l’Allemagne prête à réformer son sacro-saint “frein à la dette” », mars 2025, consulté le 14 mars 2025.
  8. European Commission, « Communication on the savings and investments union: A strategy to foster citizens’ wealth and economic competitiveness in the EU », Brussels, 19 mars 2025, consulté le 20 mars 2025.
  9. Commission européenne, « Une boussole de l’UE pour regagner en compétitivité et garantir une prospérité durable », Bruxelles, 29 janvier 2025.

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