2024A la UneL'IEM dans les médias

Le substitut est plus fort que les taxes et les interdits

Dans les politiques publiques, les taxes et les interdits sont souvent légitimés par des arguments moraux ou utilitaristes, estime Cécile Philippe. Mais l’analyse montre qu’il est plus efficace d’investir dans des produits de substitution solides.

La question de l’acceptabilité sociale se pose de manière aiguë dans l’élaboration des politiques publiques et conditionne leur succès. Dans cette équation, l’innovation peut être un élément clé du succès, plus que les taxes et les réglementations.

Ceci est visible dans nombre de sujets comme l’énergie, l’environnement ou les comportements dits à « vices » pour lesquels les taxes et les interdits sont fréquemment légitimés par des arguments moraux ou utilitaristes. L’analyse montre néanmoins qu’en termes d’efficacité, la meilleure stratégie comportementale est généralement celle qui s’attelle en priorité à investir dans des produits de substitution solides.

Cigarette électronique

Le tabac en fournit une bonne illustration. C’est un sujet sur lequel les autorités agissent au nom de la santé publique en se focalisant principalement sur les armes fiscales et réglementaires. Les données montrent cependant que la prévalence totale d’usage de la nicotine est restée relativement stable depuis au moins deux décennies. Mais, il y a pourtant eu un changement de comportement important chez les consommateurs avec l’apparition de la cigarette électronique. En effet, il s’est opéré un phénomène de substitution intéressant à plusieurs titres.

Selon des données de Santé publique France portant sur 2021, la cigarette électronique est identifiée comme un moyen efficace par les personnes sondées pour quitter la cigarette traditionnelle. Environ 94 % des ex-fumeurs qui vapotent déclarent que « la cigarette électronique les a aidés à arrêter de fumer ». Tout aussi intéressant, 61 % des personnes qui ont arrêté de fumer et de vapoter insistent sur le rôle majeur joué par le substitut électronique dans leur décrochage.

Processus d’adoption

En termes de politique publique, ce sont des résultats importants qui montrent que les changements de comportement passent par des processus d’adoption qui reposent – au moins en partie – sur des produits attractifs. Quand il n’y a pas de bon substitut à un besoin qui reste prévalent, il continue à se satisfaire avec ce qui est disponible.

Cette évolution est d’autant plus intéressante que les risques liés à la cigarette traditionnelle sont avérés et que ceux des substituts comme les produits chauffés pourraient être moindres, voire bien moindres.

Même si les données épidémiologiques de long terme font défaut, en raison du caractère relativement récent de ces substituts, plusieurs experts pensent que cette évolution pourrait réduire très significativement les risques associés au tabac . En France, le professeur Dautzenberg en est convaincu. De nombreux autres experts internationaux jugent aussi que la comparaison en termes de quantité et de niveau de substances toxiques est favorable aux produits dits chauffés et les autorités anglaises en sont convaincues.

Innovation

Si tel est le cas, notre calcul selon lequel au moins 1,35 million de personnes en France – ou l’équivalent des populations de Marseille et Lyon intra-muros – auraient abandonné la cigarette traditionnelle à l’aide de la cigarette électronique est une bonne nouvelle. S’il reste à prouver que cette innovation n’attire pas de nouveaux fumeurs, il est certain qu’elle aide à décrocher de la cigarette traditionnelle.

L’innovation qu’elle soit technologique ou institutionnelle est incontournable pour changer les comportements à grande échelle. D’où l’importance d’y recourir quand elle existe et de créer les meilleures conditions de son émergence.

Cécile Philippe

Voir tous les articles de la présidente de l'IEM

Vous pourrez aussi aimer

Bouton retour en haut de la page