Céder ses entreprises, une nécessité urgente pour l’État
Texte d’opinion publié le 6 septembre 2017 dans Les Échos.
La situation budgétaire de l’État devrait l’obliger à céder toutes ses entreprises. D’autant plus qu’il s’est montré mauvais gestionnaire vis-à-vis de son portefeuille de participations.
Le gouvernement français a confirmé des cessions de participations de l’État dans le but de financer l’innovation et la recherche à hauteur de 10 milliards. C’est chose faite ce mardi 6 septembre, l’Agence des participations de l’État (APE) a annoncé avoir engagé la cession de 4,1 % du capital d’Engie, ce qui permettra à l’État de récupérer 1,53 milliard d’euros.
Seulement, le patrimoine de l’État, comme la situation financière des entreprises publiques, laissent à penser qu’il aurait plutôt intérêt à se désengager d’une manière générale, indépendamment de l’enjeu que représente le financement de l’innovation.
Patrimoine insuffisant, dette abyssale
Une particularité de l’État français est son très haut niveau d’endettement, nourri au fil de l’eau par l’accumulation de déficits. Ces derniers résultent du choix de ne pas baisser suffisamment d’autres dépenses pour en financer de nouvelles, ni augmenter en proportion les recettes.
La dette publique française représente aujourd’hui 96 % du PIB, ou 2.150 milliards d’euros, et la question est de savoir ce à quoi elle a servi. Ou, dit autrement, les déficits servent-ils, comme le pensent certains, à financer des investissements que le privé ne serait pas intéressé à mener ou bien financent-ils des dépenses courantes ? L’État est-il un bon investisseur ?
Pour répondre à cette question, il est utile d’examiner le patrimoine des administrations publiques. En effet, un patrimoine positif serait un bon indicateur pour déterminer si l’État prépare l’avenir de façon efficace. Or, loin de l’image d’Epinal de l’État bon investisseur, les données de l’Insee sur le patrimoine économique national montrent aussi que les actifs des administrations publiques ne peuvent suffire à couvrir l’ensemble des engagements pris par nos pouvoirs publics.
Fin 2015, le patrimoine des administrations était équivalent à 147 % du PIB. Pour calculer le patrimoine net, il faut déduire leurs dettes. Ces dernières représentaient 135 % du PIB. In fine, la richesse des administrations françaises équivaut à 12 % du PIB. Ce chiffre est en forte baisse. A titre d’illustration, elle représentait 25 % du PIB en 2010.
Ajoutons à cela que la réalité est encore pire puisque le patrimoine des administrations est calculé par l’Insee sans prendre en compte tous les engagements. Il n’intègre pas les promesses faites au titre des retraites des fonctionnaires et assimilés. Selon la Cour des comptes, ces promesses représentaient 85 % du PIB en 2015. Dès lors, le vrai patrimoine net des administrations est négatif avec une valeur équivalente à -73 % du PIB.
L’évaluation du patrimoine des administrations montre qu’elles créent de la dette pour financer les dérapages courants, le contraire de ce que ferait un investisseur stratège et bon gestionnaire.
Actionnaire médiocre
Par ailleurs, un rapport de la Cour des comptes datant de janvier 2017 le souligne sans ambiguïté : l’État n’est pas un bon actionnaire. La situation des 1 800 entreprises à participation publique s’est en effet sensiblement dégradée au cours des dernières années.
Leur rentabilité financière « chute lourdement pour s’établir à 2,8 % en moyenne entre 2010 et 2015, contre 10 % pour les entreprises de l’indice SBF 120 », soulignent les sages. De fortes tensions existent dans ces secteurs où l’État est un acteur historique, comme ceux de l’énergie, des transports ferroviaires et de l’audiovisuel.
La capitalisation boursière d’EDF a ainsi baissé de 70 % entre son entrée en Bourse en 2005 et 2016. Celle d’Areva a baissé de plus de 90 %. La SNCF a dû inscrire dans ses comptes des dépréciations massives de l’ordre de 12 milliards et, dans l’audiovisuel public, les résultats nets sont systématiquement négatifs depuis 2013.
L’État n’a plus beaucoup de marges budgétaires parce qu’il s’est montré mauvais gestionnaire, à la fois vis-à-vis de ses administrés et de son portefeuille de participations. Depuis plusieurs années, il a tendance à considérer « ses » entreprises publiques, comme des sources de financement, quitte à obérer leur capacité à investir. C’est pour cette raison – et elle seule – que l’annonce des cessions est une bonne nouvelle. Il est, en effet, fort probable que la deuxième partie de la proposition, affecter les ressources au financement de l’innovation, s’avérera in fine une chimère.
Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.