Jour de «libération» fiscale : réponse aux critiques
Lettre ouverte publiée le 28 juillet 2016 dans La Tribune.
Depuis 7 ans, nous publions chaque été une étude sur la fiscalité du salarié moyen au sein de l’Union européenne (UE). C’est l’occasion d’analyser concrètement l’impact de la fiscalité sur le pouvoir d’achat des salariés moyens. Ce benchmark est devenu un rendez-vous annuel attendu. Ce n’est pas un hasard si le Ministre des Finances Belge se félicitait hier que la dernière mouture du classement montre que son pays laisse la première place à la France, suite à la mise en place d’un ambitieux « tax shift ».
Si de nombreux commentateurs considèrent que ce travail « de bénédictin » apporte de la transparence sur une question complexe, d’autres s’interrogent sur sa pertinence.
Une partie des interrogations portent sur le calcul. Partant du principe que le salarié est à la fois un cotisant, un contribuable et un consommateur notre démarche intègre les charges sociales, l’impôt sur le revenu et la TVA. Le salarié moyen finance en effet, directement ou indirectement, tous ces prélèvements obligatoires. La prise en compte des charges sociales patronales continue de susciter des questions dans un grand journal français du soir. Pourtant ces charges sont payées, comme les charges salariales, par l’employeur en contrepartie du travail du salarié. Précisons que le choix de l’institut Molinari n’est en aucun cas isolé. Toute une série de travaux internationaux dont « Taxing Wages » de l’OCDE font de même en intégrant les charges patronales.
D’autres critiques sont liées au cas type utilisé pour comparer les salariés de l’UE. Certains se demandent si le fait de choisir un salarié moyen a du sens. Pourtant à l’échelle des 28 pays de l’UE, même des plus petits, la moyenne est représentative. D’autres se demandent pourquoi les calculs sont faits pour en célibataire sans enfant et si cela pénalise la France au titre de l’impôt sur le revenu. Au-delà de la réalité statistique (les couples ne représentent que 32% des foyers fiscaux et 75% des foyers fiscaux ne déclarent pas d’enfants), cette interrogation passe à côté d’un des enseignements majeurs de l’étude. En France l’impôt sur le revenu représente une très faible partie de la fiscalité sur le salarié moyen : 8% contre en moyenne 28% dans l’UE. Même en divisant cet impôt par deux, pour tenir compte de dispositions particulières, le salarié français resterait sur le podium de la fiscalité de l’UE, entre le belge et l’autrichien. Précisons au passage que, contrairement à une idée reçue, la France n’est pas le pays où l’impôt sur le revenu favorise le plus les familles avec enfants, loin de là.
Pour finir certains reprochent à l’étude de ne prendre en compte qu’un aspect, la fiscalité, en oubliant les bénéfices liés aux prestations publiques. L’argument est développé par Le Monde, l’Express et La Tribune. Pourtant une grande partie de l’étude est consacrée à cette question. Nous croisons par exemple nos résultats avec ceux des Nations Unies, qui classent la France 9ème de l’UE dans leur dernier Indice de développement humain (IDH), ou ceux de l’OCDE, qui positionne la France 11ème sur 22 pays de l’UE dans sa dernière édition de Better Life. Ces travaux attestent que la France, en dépit de l’importance des prélèvements, n’est pas plus attractive en termes de bien-être. La qualité de vie semble meilleure dans plusieurs pays ayant une pression fiscale et sociale moindre. C’est le cas notamment de pays ayant une tradition sociale très proche de la nôtre comme l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas ou la Suède.
Cette critique passe sous silence une des questions essentielles posée par note étude, à savoir en avons-nous pour notre argent ? Et c’est bien dommage car, sauf à exiger que tout le monde signe un chèque en blanc aux pouvoirs publics, cette question est légitime. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ne prévoit-elle pas que tous les Citoyens ont le droit de constater la nécessité de la contribution publique et d’en suivre l’emploi ?
Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari. Nicolas Marques est chercheur associé à l’IEM. Ils sont coauteurs de « Fardeau social et fiscal de l’employé moyen au sein de l’UE – 7ème édition ».