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Sécurité sociale : un budget 2015 pour rien?

Texte d’opinion publié le 28 octobre 2014 dans Figaro Vox.

Une étude réalisée par l’Ifop pour le journal l’Opinion fin septembre 2014 révèle que 93% des Français estiment qu’il est urgent que des réformes soient entreprises. Ils sont 65% à juger nécessaire de faire des économies budgétaires, quitte à fermer certains services publics. Voilà des chiffres qui laissent penser que les choses évoluent et qu’il sera possible un jour de faire des réformes de fond permettant d’équilibrer les comptes. Avant cela, il faudra cependant se mettre d’accord sur la façon de réduire les dépenses.

L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est l’occasion de rappeler qu’on n’arrivera pas à faire d’économies sauf à repenser l’organisation du modèle social français. Les enjeux sont majeurs, la protection sociale et la maladie absorbant 33% du PIB en 2012. Or, nombre de Français continuent de penser qu’il ne faut en aucun toucher à ce modèle ou se contenter d’une maîtrise comptable des coûts en santé. Pourtant cette dernière, mise en avant depuis une vingtaine d’années, n’a pas permis d’équilibrer les comptes et risque à terme de diminuer grandement la qualité de notre système de soins.

Le PLFSS 2015 prétend «assurer la pérennité du système en maîtrisant les dépenses» tout en «transformant notre système de santé.» Il s’inscrit dans la continuité de la politique décidée depuis 1996, avec la création de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie. Depuis lors la stratégie a consisté à renforcer le rôle du monopole public en santé – à savoir étatiser davantage la santé à tous les niveaux – et à saper progressivement les piliers libéraux sur lesquels notre système repose encore. Or, on peut légitimement penser qu’ils jouent un rôle important dans la qualité de notre système. Certes, le système coûte cher mais on n’y meurt pas «en raison de listes d’attente pour la prestation de soins de santé publique», contrairement à ce qu’on a constaté dans le système étatique canadien, comme l’a reconnu la Cour suprême du Canada.

Depuis 2005, la mise en place en France du parcours de soin coordonné oblige de facto les patients à se choisir un médecin traitant qui – comme dans le système anglais – sert de «gatekeeper» c’est-à-dire de passage obligé pour consulter un spécialiste. Le secteur libéral, sur la sellette, se voit progressivement mis sous tutelle. La liberté d’installation menacée, les dépassements d’honoraires sont traqués et la liberté de prescription est de plus en plus limitée. En 2008, les pouvoirs publics ont supprimé la liberté d’installation des infirmières libérales et celle des médecins est périodiquement remise en question.

Le PLFSS 2015 va encore plus loin, avec une batterie de nouvelles mesures entravant les acteurs et bloquant le fonctionnement du mécanisme des prix. À la généralisation du tiers payant s’ajoutent la poursuite de la promotion active des génériques, le renforcement du mécanisme par lequel les laboratoires pharmaceutiques contribuent au financement des dépenses ou le renforcement des leviers des Agences régionales de santé. Tout cela contribue, une fois de plus, à réduire les marges de manœuvres des patients et practiciens et à accroitre le contrôle bureaucratique.

Il est à craindre que les effets pervers constatés dans les systèmes de santé totalement étatisés – tels le Canada ou le Royaume-Uni – ne se manifestent de plus en plus chez nous. Il est donc judicieux de se demander si nous avons pris la bonne voie en cherchant à supprimer la concurrence. Parler de concurrence en santé peu paraitre incongru, mais c’est sans doute la meilleure façon de faire des économies sans supprimer les marges de choix des individus et la qualité. Même en santé, l’importance du calcul économique est cruciale. C’est la seule façon de s’assurer que les primes payées par les assurés se rapprochent au plus près des attentes des patients, tout en donnant aux assureurs les moyens et les motivations de modifier leur niveau de couverture si besoin est.

Là est la cause de l’échec des politiques de maîtrise comptable des coûts menée en France. Dans les systèmes étatisés, les pouvoirs publics, otages du système qu’ils ont établi, sont incapables de savoir si une prestation est payée au juste prix ou pas. Ils s’appuient sur des prix administrés qui ne correspondent pas à la confrontation d’une demande et d’une offre. Ils ne permettent donc pas de savoir si les ressources sont utilisées de façon efficace ou pas. Les régulateurs sont alors condamnés à agir en aveugle, au gré des modes et des lobbys. Les différents prestataires de soins sont eux aussi perdants. Ils sont face à un opérateur unique, quand ils pourraient avoir des sources de revenus diversifiées s’il y avait des assureurs en concurrence. Et in fine, tous les consommateurs sont pénalisés, prisonniers d’un panier de soins unique qui coûte cher et ne correspond pas nécessairement à leurs besoins. Le PLFSS 2015 est bel et bien une nouvelle occasion manquée d’ouvrir un débat sur les vraies réformes à mener en santé.

Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.

Cécile Philippe

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