Réappropriation de la générosité
Texte d’opinion publié dans l’édition de juin 2014 de l’Agefi Magazine.
Chaque matin, dans «Des Idées Neuves», des professeurs, des directeurs de think tanks, des journalistes agitent, interrogent et bousculent notre système. Leurs projets de réformes inédites et iconoclastes pourraient inciter nos entreprises et nos institutions à imaginer un nouveau modèle économique.
Créé le label « association sans financement public »? De quoi s’agirait-il?
Ce label informerait et récompenserait les projets associatifs faisant l’effort de fonctionner sans subventions publiques. Cela permettrait d’identifier ce type de projets, capables de s’autofinancer et de fonctionner en ne faisant pas appel aux finances publiques.
L’enjeu est-il important?
Oui, car l’agent public devient une ressource rare, il faut le traiter comme tel et l’économiser. Or, on sait qu’en France les financements publics représentaient en 2012, 50% du financement des associations, soit près de 35 milliards.
Il faut donc valoriser les initiatives associatives qui permettent aux individus de rendre un service à la collectivité, sans faire appel aux subventions publiques. C’est un devoir civique de valoriser le travail des structures qui – d’une façon ou d’une autre – œuvrent pour le bien de tous.
De plus, on constate que les financements publics associatifs ne correspondent pas forcément à une utilisation lisible et avisée de l’impôt. Ils sont souvent complexe, certaines structures multipliant des financements émanant d’une ribambelle de ministères ou collectivités, sans qu’on sache si ce millefeuille répond à un besoin réel ou non. Cette façon de faire permet de favoriser parfois des intérêts bien particuliers qui n’ont rien de collectif.
Comment expliquer que la solidarité collective serve à financer les loisirs des administrations financières pour un montant de 34 millions d’euros ou que les contribuables financent la Fédération française de ski à hauteur de 4 millions d’euros, ou encore telle association de bouliste ou tel autre restaurant d’entreprise de la fonction publique. Bref, il faudrait mettre de l’ordre.
Et en quoi ce label permettrait-il d’en créer?
En informant les individus que: 1) l’association en question ne dispose pas d’aides publiques et 2) elle a justement besoin de leur générosité pour exister. En donnant à une association sans subvention publique, vous avez la certitude de financer une cause dont la défense dépend de votre générosité et de celle de vos congénères.
Par effet de ricochet, ceux qui ne peuvent pas afficher ce label pourraient avoir à répondre de l’intérêt qu’ils présentent du point de vue de la collectivité.
Du point de vue des individus, ce label a aussi son importance car nombre d’entre nous pouvons avoir l’impression que la très grande implication des pouvoirs publics en matière associative pourrait suffire à remplacer la charité par la solidarité. Or, on est loin du compte. Nombre de projets et d’œuvres ne devraient justement pas passer par un financement public, mais par l’appel à la générosité du public. Non seulement, ça fait du bien aux personnes qui donnent et qui reçoivent mais cela a un rôle social essentiel à jouer à un moment où on sait que les pouvoirs publics ne peuvent plus tout prendre en charge.
N’est-ce pas une façon de revaloriser justement le don volontaire, dans une France qui préfère souvent la solidarité obligatoire?
C’est exactement cela. Contrairement à nombre d’autres pays comme les États-Unis ou le Canada (placés en 1ere et 2ème position selon un classement 2013), nous avons perdu l’habitude du don volontaire (nous sommes placés en 77ème position). Ce Label aurait donc un rôle pédagogique fort. Son autorisation serait une sorte de reconnaissance par les pouvoirs publics que l’État ne peut pas tout et que les individus peuvent et doivent se réapproprier la générosité.
Chronique de Cécile Philippe, directrice de l’Institut économique Molinari, diffusée sur les ondes de Radio classique le 4 mars 2014.